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Fraude fiscale : une bulle de 1,3 milliard ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le montant record des redressements fiscaux enregistré l’an dernier par l’Inspection spéciale des impôts pourrait n’être, en bonne partie, qu’une grosse bulle d’air. Une bulle d’1,3 milliard d’euros, correspondant à un seul dossier ouvert à Anvers, en janvier 2017. Le SPF Finances ne fait aucun commentaire.

En février dernier, De Tijd révélait que l’ISI avait enregistré, l’an dernier, un montant record de redressements fiscaux, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, soit 400 millions de plus qu’en 2016 et le double de 2015. Ce qui tendrait à montrer que l’Inspection spéciale, le fer de lance du fisc, n’est pas qu’un tigre de papier et que la lutte contre la fraude fiscale constitue bel et bien une préoccupation du gouvernement Michel 1er. Or Le Vif/L’Express a pris connaissance d’une newsletter interne de l’ISI qui, fin 2017, dévoilait déjà un aperçu quasi complet des résultats annuels de son travail, à travers deux graphiques (voir ci-dessous) : un pour les impôts sur le revenu (IPP et sociétés) et l’autre pour la TVA.

Fraude fiscale : une bulle de 1,3 milliard ?
© Le Vif/L’Express

Constat : pour la TVA, les résultats ne sont guère spectaculaires. Au contraire. Les redressements pour 2017 sont inférieurs aux deux années précédentes, d’environ 25 à 30 %. C’est plutôt embêtant lorsqu’on sait que le fléau des carrousels TVA reste menaçant et que le gap TVA, soit la perte de recettes TVA due à des défauts de déclaration, de contrôle et de recouvrement, se chiffre en milliards d’euros chez nous, selon une évaluation de l’Union européenne.

Autre constat : dans le graphique de l’impôt sur le revenu, le mois de janvier 2017 enregistre un bond spectaculaire et inédit de plus d’1,3 milliard d’euros. Selon nos informations, il s’agirait d’un seul dossier, réalisé à l’ISI d’Anvers. Et cela ne concernerait pas le secteur diamantaire. Une vraie curiosité donc. Un dossier de plus d’1,3 milliard qui ne touche pas les diamantaires, c’est du jamais vu à l’ISI. Nous avons interrogé le SPF Finances pour avoir confirmation de cette info et tenter d’en savoir davantage. En vain. La porte-parole nous a répondu que le secret professionnel ne lui permettait pas de nous dire quoique ce soit. Un silence gênant. D’autant que ce dossier pourrait bien être une bulle d’air, un terme connu et redouté dans le jargon des fonctionnaires fiscaux.

Les « bulles d’air » sont des dossiers que les enquêteurs de l’ISI bouclent souvent à la hâte en fin d’année pour éviter la prescription. Dans le contentieux qui s’en suit, ces enquêteurs ne sont pas certains de remporter la mise. Le montant enrôlé peut se dégonfler. S’il s’agit bien, en l’occurrence, d’une bulle d’air, ce serait cocasse, car Johan Van Overtveldt (N-VA) a souvent critiqué ses prédécesseurs, John Crombez (SP.A) en particulier, en disant que les chiffres de la lutte contre la fraude fiscale, qui étaient avancés avant qu’il ne devienne lui-même ministre des Finances, ne reflétaient pas la réalité à cause de ces bulles d’air ou « luchtbellen » en néerlandais. Pour lui, seuls les montants effectivement encaissés doivent être pris en compte.

Il faut, en effet, voir si l’impressionnant dossier de janvier 2017 résistera au bras de fer qui s’annonce entre le fisc et les avocats de l’entreprise anversoise concernée qui est, par ailleurs, peut-être en faillite et insolvable. Bref, si le montant d’1,3 milliard d’euros se dégonfle, le résultat annuel global de l’ISI risque d’être désastreux, car entre février et le 17 décembre 2017, les 635 agents de l’ISI n’enregistrent que 350 millions d’euros de redressements fiscaux. C’est beaucoup moins qu’en 2016. Le record de 2017 tiendrait donc sur un seul dossier… Délicat.

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