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Fraude fiscale : pourquoi le Belge aime le noir

Pression fiscale, manque de contrôles et effet de contagion : voilà ce qui incite le Belge à frauder le fisc et l’ONSS, selon une enquête inédite de la KUL.

Le Belge est un fraudeur. Bon d’accord, ce n’est pas un scoop. Mais l’étude d’opinion du professeur Jozef Pacolet de la KULeuven est la première du genre à le démontrer de manière aussi approfondie. Résultats : 39 % des Belges interrogés ont avoué avoir acheté des biens et des services au noir, durant les douze derniers mois. La somme moyenne pour la plus grande transaction échappant à tout prélèvement de l’Etat est de 1 553 euros, ce qui constitue déjà un achat substantiel. Cette fraude représente près de 2 % du PIB du pays. C’est bien plus que l’estimation de l’Eurobaromètre 2007 : selon cette dernière enquête en date moins fouillée, la demande de travail au noir en Belgique équivalait, il y a cinq ans, à 0,6 % du PIB.

Du côté de l’offre, 14 % des sondés (en majorité des hommes) admettent avoir travaillé au noir durant l’année écoulée. Près de la moitié le font pour des amis. Ici, l’Eurobaromètre 2007 révélait un chiffre belge inférieur, soit 6 %. Si on compare l’offre à la demande, on remarque que le Belge signale plus facilement un comportement frauduleux chez l’autre plutôt que de confesser ses propres fautes.

Plus particulièrement, l’étude du Pr Pacolet, baptisée Sublec (Survey on the Black Economy), indique que 15 % des travailleurs employés confient recevoir des remboursements de frais non réels de leur employeur. Un quarts des répondants disent également ne pas remplir leur déclaration fiscale correctement. Parmi ceux qui ont ouvert un compte bancaire à l’étranger, un tiers ne le déclare pas. Un quart des propriétaires de maisons situées en dehors de la Belgique n’en font pas non plus mention. Quant aux droits de succession, un tiers des héritages seraient cachés au fisc, selon l’étude.

La pointe de l’iceberg ?

Jozef Pacolet souligne que tous ces chiffres sont probablement sous-estimés. En effet, l’échantillonnage constitué par la Banque Carrefour de la Sécurité sociale est maigre et surtout biaisé par la procédure de recrutement. Pour des impératifs légaux de protection de la vie privée, les sondés ont d’abord été contactés par écrit pour marquer leur accord : 246, soit moins de un sur dix seulement, ont accepté.  » On peut raisonnablement penser que les citoyens honnêtes ont davantage répondu que les autres « , commente le chercheur. Significatif : les travailleurs indépendants, pour qui il est plus facile de ne pas déclarer une partie de ses activités, ont été les plus réticents.

Sur les raisons qui poussent les Belges à frauder, l’enquête Sublec est éclairante. Près de 8 sondés sur 10 estiment que les charges fiscales sont trop élevées dans notre pays et qu’en outre la législation sociale et fiscale est trop complexe. Autre explication : le risque d’être attrapé pour travail au noir est considéré comme faible, voire très faible, par près de 60 % des répondants. Ce qui pose la question de l’efficacité des contrôles par les administrations fiscales et sociales. Enfin, 80 % des Belges interrogés disent connaître des gens qui achètent ou travaillent au noir.  » Cela semble avoir une influence sur son propre comportement, analyse Jozef Pacolet. Il est impératif pour le politique de casser cette mentalité et cette spirale du  »tout le monde le fait donc pourquoi pas moi ? » « 

Dernier enseignement à relever dans la recherche de la KUL : contrairement aux idées répandues dans l’opinion publique, les allocataires sociaux (chômeurs, pensionnés, etc.) sont moins fraudeurs que le reste de la population tant pour l’offre que la demande de travail au noir.  » On pouvait s’y attendre car ceux-ci sont davantage contrôlés et, surtout, les implications sont bien plus graves que pour les autres s’ils se font coincés « , analyse Pacolet. Cette enquête pilote gagnerait à être poursuivie. Elle constitue, en tout cas, un instrument précieux pour la politique de lutte contre la fraude.

Thierry Denoël

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