Fraude à l’Office wallon des déchets : bientôt le grand déballage ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Dans le cadre des deux millions d’euros volés par un comptable de l’Office wallon des déchets (OWD), des auditions sous haute tension sont prévues lundi au Parlement wallon. On y parlera entre autres des audits de la cour des comptes dont voici de nouveaux extraits édifiants qui laissent penser qu’il n’y avait vraiment que très peu de contrôle au sein de cet OIP. Un laxisme de plus en plus suspect, au vu de l’affaire actuelle…

On a reproché à la Cour des comptes de n’avoir pas su détecter la fraude du comptable de l’OWD, toujours en cavale, qui a détourné sur son propre compte bancaire deux millions d’euros, depuis 2006. Mercredi, le premier président de la Cour, Philippe Roland, a expliqué que, dans le cas d’espèce, il était impossible de déceler la fraude. Entre les lignes, on comprend que le fraudeur de l’OWD a trafiqué la comptabilité de l’Office de telle manière que l’auditeur de la Cour des comptes ne puisse suspecter un détournement. Philippe Roland a néanmoins affirmé que son institution avait plusieurs fois mis en garde l’OWD de risques de fraude. « Nous avons déjà fait des remarques en 2004 », a souligné le premier président.

C’est vrai. Et mieux encore : la Cour a adressé des remarques lourdes de sens à l’OWD, plus récemment, dans ses cahiers d’observation du 21 décembre 2011 et du 12 février 2013, alors que, selon l’enquête judiciaire d’aujourd’hui, le comptable véreux s’en mettait plein les poches depuis plusieurs années déjà. Dans le Cahier de 2011, la Cour des comptes observe, dans le chapitre « comptabilisation », que l’OWD a payé 18 factures, relatives à l’achat de matériel ou service informatique, pour un montant total de 43 786 euros, qui ne lui étaient pas destinées. Elle a ensuite transmis ces factures à la direction informatique du SPW (Service public de Wallonie) qui a également procédé au payement… Le montant, deux fois honoré donc, n’est pas dérisoire. Cela démontre qu’il y avait, pour le moins, un défaut de vérification au sein de l’OWD.

Plus significatif : dans son Cahier de 2013, la Cour relève que, dans quelques cas, des paiements (il s’agissait de remboursement de taxes trop perçues à des contribuables) ont été effectués par l’OWD, sans la signature du directeur compétent ou avec la signature d’un directeur qui n’était pas habilité à le faire vu le montant en jeu. La Cour des comptes recommande également que ces remboursements soient inscrits dans la comptabilité budgétaire de l’OWD et pas seulement dans la comptabilité générale, comme cela doit se faire pour toute comptabilité publique. On comprend que le fait de ne pas les inscrire dans la comptabilité budgétaire rend ces opérations moins visibles.

Au vu de ces remarques et recommandations, on se dit que la direction de l’OWD aurait dû être alertée. Or on sait que, de 2013 à 2016, le comptable voleur a détourné un million d’euros. Il le faisait en se versant de l’argent directement sur son compte. Le député MR Jean-Luc Crucke, qui a dénoncé l’affaire, dispose de copies d’extraits de virement qui le prouvent. Et personne n’aurait rien vu pendant tout ce temps à l’OWD ? Le laxisme de la direction, souligné dans les rapports de la Cour, est étrange. D’autant que, selon le député Crucke, le comptable poursuivi par la justice aurait été dénoncé par un collègue à qui il aurait fait une promesse qu’il n’aurait pas honorée. Ce qui laisse penser que ce collègue était au courant du manège.

Y aurait-il eu un système frauduleux bien rôdé à l’OWD, qui concerne plusieurs fonctionnaires ? Bientôt le grand déballage ? Lundi après-midi, les auditeurs de la Cour des comptes ainsi que des responsables de l’administration wallonne seront auditionnés sur ce dossier par la commission Environnement du Parlement wallon. En fonction de leurs réponses, certains députés sont prêts à demander qu’on ouvre une commission d’enquête spéciale.

Thierry Denoël

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