Olivier Mouton

Francophones, ne tombez pas dans le panneau!

Olivier Mouton Journaliste

Les réactions outrées à la relance du débat communautaire par Bart De Wever n’évitent pas le piège tendu par les nationalistes. Car c’est avant tout le reflet d’un malaise au sein de la N-VA.

Une « bombe institutionnelle ». « La N-VA prend la route vers la fin de la Belgique », scande même Laurette Onkelinx. La relance du débat institutionnel interne à la N-VA annoncée par Bart De Wever, mercredi 13 janvier en fin de journée, a provoqué un mini séisme du côté francophone et une avalanche de réactions outrées.

En résumé, le président nationaliste renierait son engagement à l’égard de Charles Michel – le fameux « stop institutionnel » durant cette législature – et mettrait le gouvernement fédéral en péril. D’aucuns ironisent même en affirmant que le niveau de la menace communautaire pourrait être relevé par Jan Jambon, ministre N-VA de l’Intérieur, de 3 à 4.

Calmons-nous un peu.

Tout d’abord, quelle est l’annonce précise faite par Bart De Wever ? Hendrik Vuye, chef de groupe à la Chambre, et la députée Veerle Wouters sont chargés de « préparer les prochaines étapes de l’émancipation de la Flandre ». Concrètement : le professeur de droit constitutionnel de Namur et la spécialiste de la loi de financement doivent traduire en propositions de loi les conclusions du congrès de la N-VA consacré au confédéralisme en janvier 2014. Cela prendra du temps.

Il s’agit certes d’une pique au MR, partenaire de coalition qui n’avait visiblement pas été informé de cette décision. Depuis le début de l’année, Bart De Wever et les siens donnent à nouveau l’impression qu’ils peuvent s’exprimer librement sur tout ce qui les préoccupe, depuis les économies en sécurité sociale jusqu’à la fin annoncée de la Belgique, irritant ses partenaires. Tant francophones que flamands d’ailleurs : il suffit pour s’en convaincre de voir la réplique agacée de Maggie De Block (Open VLD), ministre des Affaires sociales. Mais ce sont surtout des mots…

Cette annonce de Bart De Wever est aussi le signe d’une fébrilité croissante au sein de la N-VA. En cela, le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) a sans doute une analyse plus fine de la situation que nombre de ses collègues de parti lorsqu’il évoque l’expression d’un « malaise » interne au parti. Kristof Calvo (Groen) affirme même que le communautaire est précisément « le point faible » de la N-VA. Il est vrai que le petit parti devenu grand doit désormais gérer deux électorats à la fois, son noyau dur radical devenu minoritaire et un cercle plus large conservateur-libéral. Epineux.

Si De Wever a pris cette décision de relancer le débat, c’est aussi pour deux raisons très conjoncturelles. Premièrement, il s’agit d’apaiser le Mouvement nationaliste flamand, énervé par le « stop institutionnel », et donner du grain à moudre aux radicaux. Deuxièmement, cela « maquille » un malaise interne au groupe de la Chambre, le leadership d’Hendrik Vuye étant de plus en plus ouvertement contesté.

En criant à l’outrage, les partis francophones d’opposition tombent les deux pieds dans l’opération de com’ de la N-VA, qui se nourrit précisément de ces cris d’orfraie.

En criant à l’outrage, les partis francophones d’opposition tombent les deux pieds dans l’opération de com’ de la N-VA, qui se nourrit précisément de ces cris d’orfraie. N’oublions pas la stratégie non cachée du parti : provoquer la gauche francophone, singulièrement le PS, afin qu’il crie lui-même grâce et réclame une nouvelle réforme de l’Etat. La réponse la plus adéquate est au contraire celle qui garde la tête froide et resitue la nouvelle sortie de De Wever dans son juste contexte.

Faut-il par contre s’inquiéter en vue de 2019 ? Sans aucun doute. Et à vrai dire, c’est à cette échéance-là que les francophones joueront leur crédibilité. A ce moment-là, la N-VA réclamera sans doute ce nouveau pas vers le confédéralisme, voire la préparation d’une rupture – sans certitude aucune qu’il y ait une majorité en Flandre à ce sujet, précisons-le. Michel, Chastel, Di Rupo, Magnette, Lutgen et autres Khattabi ou Maingain devront alors répondre de la façon la plus adéquate. Déterminée. Et glaciale.

Les francophones ne doivent pas tomber dans le panneau. Le vrai défi pour eux, c’est de reconstruire un dialogue entre eux dans les prochains mois. Pour éviter que leur désunion, les querelles politiques et les dysfonctionnements que cela génère ne fassent, alors, le jeu de Bart De Wever.

En attendant, le Premier ministre Charles Michel garde l’église au milieu du village.

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