Gérald Papy

François, pape de crise

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Humble et proche des pauvres, le pape François s’inscrit dans l’ère du temps où l’austérité prévaut. Détaché de la Curie, il a des atouts pour réformer le fonctionnement du Vatican. Premier pape sud-américain, premier pape jésuite, il lui reste à répondre aux accusations de complaisance à l’égard de la dictature argentine.

François sera-t-il en mesure de donner un nouveau souffle à l’Eglise catholique ? Le rythme du Vatican n’est pas celui de l’actualité. Il est donc bien difficile de se prononcer au lendemain de l’élection du successeur de Benoît XVI sur les atouts et les faiblesses d’un homme, qui plus est, que beaucoup ont découvert mardi soir. Tout juste peut-on analyser son parcours et ses premiers gestes pour tenter d’y déceler les signes des orientations de son pontificat. Mais ce sont beaucoup d’autres facteurs qui forgeront en définitive son bilan.

En regard des enseignements que l’Eglise catholique, selon beaucoup d’observateurs, devait tirer du renoncement de Benoît XVI pour cause de fatigue, on peut déjà avancer quelques observations.

Les cardinaux réunis dans la chapelle Sixtine n’ont pas choisi un pape fondamentalement plus jeune. Elu à 76 ans, il ne se distingue pas de son prédécesseur. Reste la jeunesse d’esprit… François présente en revanche un profil plus marqué de pasteur et d’homme de terrain, éprouvé auprès des plus pauvres des bidonvilles de Buenos Aires. Corollairement, il est plus distant de la Curie romaine que son prédécesseur qui y avait fait ses classes, sans pour autant être tout à fait ignorant de son fonctionnement grâce à des séjours fréquents à Rome. Ces dispositions sont incontestablement des atouts pour espérer réformer un cénacle où a sévi ces derniers mois un climat délétère peu propice à la confiance, comme l’a démontré le scandale du « VatiLeaks ». Enfin, grande rupture avec Benoît XVI, les cardinaux sont allés chercher François Ier « au bout du monde » mais au coeur de l’Eglise catholique contemporaine, sur ce continent américain qui fournit aujourd’hui les plus gros bataillons de fidèles catholiques sur la planète. Voilà pour les éléments de comparaison avec Benoît XVI.

Mais l’homme, qui est-il ? Ce qui a sans doute le plus frappé mardi soir à l’écoute des premiers mots du pape François, c’est l’extrême simplicité du personnage qui a été jusqu’à s’incliner devant le peuple de Rome en réclamant ses prières. Sa fibre sociale, le fait qu’il soit issu de l’ordre des jésuites – une première -, et son humilité sincère présagent à la fois un recentrage de l’action de l’Eglise sur ses principes fondamentaux, ce qui pourrait marquer une rupture, et une opposition idéologique au libéralisme débridé, ce qui a été une constante des derniers papes.

Progressiste sur le plan social, François ne semble pas l’être sur les questions éthiques. Les évêques d’Amérique du Sud n’étant pas connus pour être à l’avant-garde dans ce domaine, ce n’est pas une surprise. Il reste qu’entre le discours dogmatique et la façon dont celui-ci est porté auprès des divorcés, des homosexuels ou des partisans de l’euthanasie, il y a une marge et il sera particulièrement intéressant de voir comment l’homme réputé attentif aux autres l’exploitera.

La seule véritable tache apparente sur la soutane blanche du nouveau pape touche à son rôle face à la dictature argentine, de 1976 à 1983. Silence coupable, complicité passive, collaboration active ? Le dossier n’a pas encore été suffisamment étayé en Europe pour instruire un procès a posteriori. Si la responsabilité de Jorge Mario Bergoglio est clairement engagée, on peut s’interroger sur le risque pris par les cardinaux de le porter au poste suprême. Si elle ne l’est pas, François a tout intérêt à s’exprimer rapidement sur cette question, au-delà des éclaircissements qu’il a déjà donnés à ce propos en Argentine, pour éviter de devoir traîner ce boulet tout au long de son pontificat.

Sur ce dossier, le verdict qui primera sera celui des Argentins. A l’annonce de l’élection comme pape de l’amateur de football qu’est l’évêque de Buenos Aires, beaucoup ont laissé exploser leur joie : ils avaient déjà le Messi, ils ont désormais le pape.

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