Pierre Havaux

Fonctionnaires : mort aux clichés

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Les fonctionnaires fédéraux se rebiffent et le font savoir dans la rue ce jeudi. Ils apprécient peu la cure de modernisation que veut leur imposer le secrétaire d’Etat Hendrik Bogaert (CD&V). Faut-il leur donner tout à fait tort ?

La cible est facile. Des fonctionnaires dans la rue pour se plaindre de leur sort, c’est le propos de café de commerce assuré : comment ces ronds-de-cuir osent-ils se plaindre ? C’est cette mauvaise réputation qu’Hendrik Bogaert ambitionne de rectifier. Au plus vite. Le secrétaire d’État à la modernisation de la Fonction publique tient à être à la hauteur de sa mission : réformer l’appareil d’État et l’orienter client, comme on dit aujourd’hui.

Il avait déjà fait fort dès son entrée en fonction : annoncer en plein bal des fonctionnaires son intention de les soumettre à une évaluation annuelle, ce n’était peut-être pas l’entrée en matière la plus diplomatique. Mais le jeune secrétaire d’État ne craint rien. Il fera le bonheur de ses agents de l’État malgré eux. En les invitant pour commencer à une bonne dose d’autocritique. À se libérer « d’une série de vieux clichés sous-jacents, afin de jeter un regard critique sur notre propre fonctionnement et de mettre en lumière ce qu’on nomme acquis sociaux et habitudes. »

Règlements spécifiques, primes particulières, méthodes de travail archaïques, surcharge administrative : le fonctionnaire est invité à se dépoussiérer pour embrasser la nouvelle carrière que lui promet Hendrik Bogaert. Elle ne sera plus seulement basée sur l’ancienneté, mais sur les prestations et les résultats de l’évaluation. Une façon de vouloir démentir les clichés.

Certains prennent justement un malin plaisir à les alimenter : Luc Coene, gouverneur de la Banque nationale et Open-VLD affiché, est un spécialiste du genre. Il aime à le répéter : les fonctionnaires ne sont pas seulement démodés, ils sont aussi et surtout chroniquement trop nombreux.

Faisons alors parler les chiffres, ceux de la Fonction publique fédérale en l’occurrence. En trois ans, de 2008 à 2011, elle a perdu 8 645 collaborateurs. La défense a payé le plus lourd tribut, en réduisant ses effectifs de 6 205 personnes. La décrue s’est poursuivie depuis : 1 206 fonctionnaires en moins en l’espace de douze mois, de novembre 2011 à décembre 2012. Là, ce sont les Finances qui ont connu un recul sensible : elles ont dû se passer de 746 fiscards.
Beau joueur, Bogaert le reconnaît : « Un effort considérable a été consenti à l’échelon fédéral. Proportionnellement, l’administration fédérale a réduit huit fois plus le nombre de ses collaborateurs que les Communautés et les Régions. »

Sans parler des administrations locales, qui, elles, ont gonflé leurs effectifs. Il y a toujours moyen de trouver plus « mauvais élève » sur le banc du voisin. 8 645 agents de l’État fédéral en moins sur 130 995 (Défense et police fédérale comprises) : on objectera que c’est une goutte d’eau dans un océan. Sauf que le dégraissage en cours permettra d’économiser 300 millions d’euros d’ici 2014, et ce sur une masse salariale estimée à 6,5 milliards. Soit, admet encore Hendrik Bogaert, « un effort ambitieux de 4,6 % ». Sauf aussi que la Fonction publique fédérale accuse une fâcheuse tendance à grisonner : près de 40 % de ses collaborateurs ont plus de 50 ans.

S’il reste encore du gras où tailler, il y a aussi des départements qui sont à l’os. Et même « vraiment à bout » s’alarmait récemment la ministre fédérale de l’Emploi, Monica De Coninck (SP.A), en prenant l’ONEM comme exemple. Surveillance et accompagnement des chômeurs, traque aux fraudeurs : il faudrait tout de même veiller à ne pas casser l’outil. Sans verser dans le cliché.

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