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Fonctionnaires bruxellois otages du CD&V

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Depuis un an, les agents communaux bruxellois en contact avec le public travaillent sans certificats linguistiques. Fâcheux vide juridique, que Di Rupo Ier est incapable de combler : le CD&V met dans la balance le bilinguisme obligatoire des top managers fédéraux.

Il ne regrette pas son geste, même si bon nombre de fonctionnaires locaux bruxellois lui doivent un coup d’arrêt dans leur nomination ou leur promotion. Bernard Clerfayt a le sentiment du devoir accompli : le bourgmestre FDF de Schaerbeek se dit qu’il a bien fait d’aller contester au Conseil d’Etat les exigences linguistiques que le niveau fédéral prétendait imposer aux agents des communes et des CPAS en Région bruxelloise.

Par deux fois en moins de trois ans, en 2009 et début 2012, la juridiction administrative a donné raison au maïeur schaerbeekois, en annulant des dispositions prises par le gouvernement fédéral : « Ces arrêtés royaux imposaient systématiquement aux agents en contact avec le public à Bruxelles des conditions de bilinguisme supplémentaires et excessives qui n’étaient pas prévues par la loi. »

Bernard Clerfayt s’en réjouit : les tentatives flamandes de corser les critères de connaissance de la seconde langue ont ainsi tourné court. Force restera à la loi : « C’est aux administrations locales qu’il revient d’apprécier elles-mêmes la nature des relations avec le public, et d’indiquer les degrés de connaissance auxquels telle ou telle personne doit satisfaire. »

Ce que le mandataire FDF avait moins prévu, c’est la conclusion que le pouvoir fédéral a tiré de sa défaite devant le Conseil d’Etat. Le Selor, le bureau de sélection de l’administration, a tout bonnement suspendu les tests linguistiques litigieux : plus d’épreuve linguistique, donc plus de certificats de connaissances linguistiques délivrés. Et des fonctionnaires qui se retrouvent arrêtés dans leur carrière ou dans leur nomination. « Scandaleux !, s’insurge Bernard Clerfayt, le Selor prend en otage le fonctionnement normal des administrations bruxelloises, alors qu’il pourrait continuer d’organiser des examens linguistiques. »

Obstruction d’Hendrik Bogaert ?

Le vide juridique tend à se prolonger. Di Rupo Ier tarde étrangement à le combler. La solution est pourtant toute trouvée, elle a même fait l’objet d’un accord intercabinet, l’été dernier : le problème sera réglé sous la forme de loi et non plus d’arrêté royal, afin de satisfaire aux objections du Conseil d’Etat.

Affaire réglée ? Pas du tout. Elle reste en rade au niveau fédéral. Inexplicablement. Le conseil des ministres devait la clôturer le 20 juillet dernier. Le feu n’est pas passé au vert. Le gestionnaire du dossier, le secrétaire d’Etat à la Fonction publique Hendrik Bogaert (CD&V), assure pourtant le député fédéral Bernard Clerfayt de sa bonne foi : « J’ai accompli mon devoir. Il appartient aux autres membres du gouvernement de prendre une décision collégiale. »

Une lecture francophone de l’affaire livre une version moins reluisante : Hendrik Bogaert se bloquerait lui-même. Parce qu’il veut monnayer son accord. Il ne libèrera les agents bruxellois de leur insécurité juridique qu’en échange d’une autre plume qu’il rêve d’accrocher à son chapeau, pressé en cela par la N-VA de tenir sa promesse : imposer le bilinguisme fonctionnel des top managers de la fonction publique fédérale, qui se heurte au veto francophone. Donnant donnant.

Gare, la Justice a horreur du vide juridique. En décembre dernier, la cour d’appel de Bruxelles a donné raison à un contribuable bruxellois, par ailleurs ex-député régional Vlaams Belang : ce dernier contestait la somme qu’un receveur des contributions lui réclamait, sous prétexte que ce fonctionnaire n’était pas linguistiquement en ordre aux yeux de la loi. Rien à voir directement avec le blocage en cours au sein de Di Rupo Ier. Mais ce verdict de la Justice, entretemps porté en cassation, pourrait donner des idées.

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