L'Ecole d'administration publique, à Namur. © Google Street

Fonction publique francophone : la révolution sabordée

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Il n’y aura pas de révolution dans l’octroi des postes à mandats aux hauts fonctionnaires. Les entités fédérées vont reconduire la majorité des cadres sortants, pour gagner du temps. Dans le viseur, déjà : la formation de l’Ecole d’administration publique.

A peine diplômés, l’horizon s’éloigne déjà pour la plupart des candidats bardés d’expérience issus de l’Ecole d’administration publique (EAP). En 2013, ils étaient plus de 500 à vouloir y entrer. Un concours organisé par le Selor, principale porte d’accès à la fonction publique, s’était chargé de faire un tri drastique, afin de limiter les inscriptions du premier cycle aux 70 meilleurs prétendants. En décembre dernier, 35 super-fonctionnaires ont finalement obtenu leur certificat de management public, censé garantir l’excellence des futurs mandataires au sommet des organigrammes. Un deuxième cycle de formation de 70 personnes est en cours. Il prendra fin au mois de juin.

A chaque renouvellement de législature, la Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles doivent désigner les nouveaux cadres dirigeants des services de l’administration et des organismes d’intérêt public (OIP), pour une durée de cinq ans. Grande nouveauté en 2015 : les deux gouvernements PS-CDH devront faire leur choix parmi les 96 candidats versés dans un « pool de recrutement ». Celui-ci est composé des 30 lauréats de l’EAP, de 5 détenteurs du brevet de management public anciennement délivré par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi des mandataires sortants évalués « favorablement » et « très favorablement » par l’administration. S’y ajouteront prochainement les diplômés du deuxième cycle en cours. Le recours contraignant à ce pool avait été validé en septembre 2012, dans l’arrêté réformant le régime des mandats pour les fonctionnaires dirigeants. Son objectif visait notamment à éviter les catapultages politisés. La formation de l’Ecole d’administration publique avait également vu le jour en ce sens.

Deux ans et demi plus tard, l’ambition a perdu de son éclat. Les postes à mandat dans l’administration devaient être déclarés vacants au plus tard le 31 décembre 2014. Or, la procédure a seulement débuté, tant à la Région wallonne qu’à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les ministres respectifs de la Fonction publique, Christophe Lacroix (PS) et André Flahaut (PS), pointent une marge de manoeuvre beaucoup trop courte entre la prestation de serment et l’ultimatum fixé pour désigner les nouveaux mandataires. Sous la précédente législature, Ecolo avait porté avec ferveur la réforme. Ecarté des nouvelles majorités, le parti craint aujourd’hui une « rupture de la parole donnée » et le retour de la « République des camarades ».

Le programme de formation pour les hauts fonctionnaires va prochainement faire l’objet d’une évaluation intégrale, depuis l’appel à candidatures jusqu’à la délivrance des certificats. L’EAP a confié cette mission à l’Iweps (l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique). Le certificat est attendu au tournant, au même titre que l’Ecole d’administration publique. A la Fédération Wallonie-Bruxelles, André Flahaut attend « avec impatience » d’en tirer les premières leçons. Et décoche déjà quelques flèches. « L’EAP a vu le jour à partir d’un phénomène de mode, souligne-t-il. Si vous ne vous y pliez pas, vous êtes perçu comme un iconoclaste. Mais certaines formations pourraient être dispensées ailleurs et à moindre coût, il faut oser le dire. Et ce n’est pas parce que vous avez un brevet que vous faites un excellent manager. »

L’organisation des deux premiers cycles, intégralement financés via les dotations, a coûté près de 1,5 million d’euros. Soit plus de 10 000 euros pour chaque candidat formé par l’école.

Dans le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier. Avec :

  • Une question budgétaire, vraiment ?
  • La déception des universités
  • « Les universités se sont sucrées sur le dos des pouvoirs publics »
  • La Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont reconduit tous les mandataires sortants évalués « très favorablement » par l’administration
  • L’amertume des candidats de l’EAP

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