Jean Paul Van Bendegem

Flamandophone et néerlandophone

Il n’est pas toujours aisé de trouver sa voie dans un univers culturel. Quels y sont les usages ? Comment les gens s’y entendent-ils ? Que faut-il faire et, surtout, que doit-on éviter à tout prix ?

Par Jean Paul Van Bendegem, Professeur à la Vrije Universiteit Brussel, mathématicien et philosophe

Les distinctions qu’il faut apprendre à discerner sont souvent très subtiles et très délicates. Employer un mot de travers suffit à réveiller un volcan caché. Permettez-moi de donner un exemple qui caractérise réellement la Flandre. Personne ne met en doute que les habitants de la Flandre sont des Flamands. Jusque-là, tout le monde est d’accord.

Mais, en fait, dans quelle langue les habitants du nord de notre pays s’expriment-ils ? Les uns insistent sur le fait qu’en Flandre on parle le flamand, les autres prétendent avec autant de conviction que c’est le néerlandais. Quelqu’un a-t-il raison ? Oui et non. On peut se lancer dans une discussion sans fin pour défendre l’une ou l’autre de ces deux prises de position. Les uns affirment que le(s) dictionnaire(s) et la grammaire sont les mêmes, les autres grossissent les différences entre les dialectes. Vous pourriez donc être enclin à penser que, après tout, cela n’a pas beaucoup d’importance. Ce serait une erreur. Car celui qui avance qu’on parle le flamand veut prendre ses distances avec d’autres langues, et d’abord avec la langue qui se parle aux Pays-Bas. Cela correspond parfaitement avec l’idée que la Flandre est une aire autonome, qui ne doit rendre des comptes à personne. Au contraire, celui qui opte pour le néerlandais veut justement mettre en lumière à quel point il est génial que plusieurs pays peuvent, quand même, se servir de la même langue. Cela revient à déclarer que la Flandre fait partie d’ensembles plus vastes : la Belgique, le Benelux, l’Europe, le monde, l’Univers (rien ne nous interdit d’être enthousiastes !).

En dernière analyse, ledit volcan caché est une vision politique et de société qui définit, de manière fondamentale, une identité. Il ne s’agit donc absolument pas d’une affaire innocente. Je peux m’imaginer que le lecteur est curieux de connaître ma réponse à la question : « Quelle langue parlez-vous ? » Or je pense que le titre de cette brève chronique est suffisamment limpide pour éclairer mon point de vue personnel. En néerlandais (ou en flamand ?) existent les mots « Vlaamstalig » et « Nederlandstalig », mais le français, lui, ne connaît que le terme « néerlandophone ». Il m’a donc fallu inventer un nouveau mot, bien que je doive avouer qu’il ne sonne pas très bien.

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