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Flahaut:  » Moi sous influence? Non… »

André Flahaut (PS) subitement pris sous le feu de Bart De Wever. Le président de la N-VA flingue le président de la Chambre et le taxe de manque d’impartialité dans son rôle. Tout sauf un hasard, à la veille du débat sur la réforme de l’Etat. Flahaut dégaine et riposte : « je n’ai qu’une adresse : le 13 boulevard de l’Empereur. » Y a un problème ?

Vous présidez la Chambre depuis juillet 2010, avec désormais sur les bras la plus importante réforme de l’Etat à faire passer : votre position devient-elle d’un coup stratégique ? Le poste n’est pas que protocolaire. Dans sa ligne du temps, Elio Di Rupo avait bien mesuré l’importance de la fonction. La présidence de la Chambre est revenue au PS à l’issue du scrutin de juin 2010, en vertu d’un accord entre Bart De Wever ( N-VA) et Elio Di Rupo. Le choix a été confirmé lors de la formation du gouvernement.

Certains ont alors dit : le PS obtient le poste de Premier ministre mais à part cela, il n’est pas très bien représenté dans l’équipe. Il fallait aussi mettre dans la balance cette présidence de la Chambre.

Le poste a été âprement disputé?

C’est l’attribution de la présidence de la Chambre qui a pris le plus de temps, lors de l’ultime nuit de négociations en vue de la formation du gouvernement. Le CD&V la réclamait, parce qu’elle signifie aussi la présidence de la Commission des Réformes institutionnelles. J’ignore si le CD&V voulait la fonction pour Pieter De Crem. C’eût été vexant… (rires.)

Vu la configuration politique actuelle, était-il crucial d’avoir un francophone au perchoir de la Chambre ?

C’est la première fois depuis onze ans et la présidence de Raymond Langendries (CDH), qu’un francophone retrouvait la présidence de la Chambre. Cela ne me paraît pas choquant.

Vous étiez l’homme de la situation, « the right man in the right place » ?

Le choix d’Elio Di Rupo n’est pas un hasard. Encore préformateur, il savait qu’il aurait deux énormes chantiers sur la table : l’institutionnel et le socio-économique. Il jugeait important de pouvoir compter à la présidence de la Chambre sur un relais en qui il pouvait avoir pleinement confiance. Quelqu’un qui a une certaine expérience, qui connaît bien les rouages de la politique et de l’Etat.

J’ai été douze ans ministre, j’ai dirigé l’Institut Emile Vandervelde (NDLR : le centre d’études du PS), j’ai été vice-président du parti et je siège au sein du groupe des neuf (NDLR : le « kern » du PS)) depuis… très longtemps. Cela aide.

Ce profil ne fait a priori pas de vous un président de la Chambre apte à rester au-dessus de la mêlée. Ce n’est pas gênant ? Non. Durant la très longue crise politique et la période d’affaires courantes, j’ai été obligé et j’ai appris à travailler avec tout le monde à la Chambre, sans qu’il y ait de majorité gouvernementale et sans savoir quels partis se retrouveraient au gouvernement ou dans l’opposition. J’ai fait passer une façon de présider la Chambre, qui reste valable.

Le PS est au 16 rue de la Loi avec le Premier ministre Di Rupo, et avec André Flahaut à la présidence de la Chambre. Cela ne fait-il pas de vous un président sous influence ? Pas du tout. Je peux vous rappeler le nombre de fois où un Premier ministre et un président d’assemblée ont été issus du même parti ou de la même famille politique : Leterme – Van Rompuy au CD&V, Verhofstadt – De Croo chez les libéraux, Langendries – Dehaene chez les démocrates-chrétiens. Je ne vois pas ce qui me rendrait plus suspect qu’un CVP ou un VLD autrefois. Je ne suis là ni pour saboter le gouvernement, ni l’opposition.

Vous avez pourtant coupé l’herbe sous le pied à la N-VA, en renvoyant tous les textes de la réforme de l’Etat à la Commission des réformes institutionnelles que vous présidez. Vous l’ avez aussi privée de l’audition d’experts sur la révision controversée de l’article 195 de la Constitution.. Fair-play, tout ça ?

Je ne fais qu’appliquer le règlement. Personne ne sait me prendre en défaut sur ce plan. J’ai même été plus loin : j’ai fait confirmer mes choix en séance publique de la Chambre. A la majorité, forcément. Mais ça…

Exhorter les huit partis qui soutiennent la réforme de l’Etat à rester unis et groupés : c’est un langage d’impartialité que l’on attend du président de la Chambre ? Si on veut que le travail aboutisse, la première condition est que la majorité soit unie, cohérente, disciplinée. Ce qui m’importe, c’est que la boutique fonctionne.

Vous allez chercher vos consignes au 16 rue de la Loi ?

Non. Je suis capable de faire mes propres analyses politiques.

Jusqu’à tenir tête à Elio Di Rupo ?

Bien sûr. J’assume les relations de longue date avec le Premier ministre. Je ne vais tout de même pas renier mon passé. Je n’ai qu’une adresse : le 13, boulevard de l’Empereur (NDLR : le siège du PS). Le 13, c’est la maison que l’on quitte pour aller en mission temporaire : comme ministre ou bien au Palais de la Nation, comme c’est le cas à présent.

Bart De Wever se met à douter fortement de votre profil de président de la Chambre. Votre contribution à un rapport parlementaire français peu flatteur pour la Flandre et la N-VA aggrave-t-il votre cas ?

Je n’ai jamais taxé la Flandre ni la N-VA de fasciste. Les propos que j’ai tenus aux deux députés français l’ont été à une époque où les négociations gouvernementales étaient encore en cours. Je n’étais pas le seul à formuler le constat sur la flamandisation de l’appareil d’Etat. La preuve : la négociation a débouché sur la décision de corriger certains déséquilibres linguistiques relevés.

La N-VA chercherait-elle à vous déstabiliser à la veille des débats parlementaires sur la réforme de l’Etat ?

Je ne suis nullement déstabilisé. Philippe Busquin, ancien président du PS, disait : « quand on t’attaque, c’est que tu existes. »

Président de la Chambre ou ministre fédéral de la Défense : où avez-vous le plus de pouvoir ?

La présidence d’assemblée vous assure une vision globale des choses. Vous avez une possibilité de contacts avec tous les ministres et secrétaires d’Etat, vous pouvez entretenir des contacts avec les représentants de tous les partis, majorité comme opposition. J’ai un peu de peine à me le dire : je suis plus utile à la présidence de la Chambre qu’au sein du gouvernement.

Entretien: Pierre Havaux

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