André Flahaut (PS) © BELGA

Flahaut: « Le CDH nous dit: « Casse-toi tu pues! » À sa place, je serais prudent »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

André Flahaut n’est plus qu’un ministre en sursis. Le socialiste en charge du Budget à la Fédération Wallonie-Bruxelles encaisse le coup porté à son parti par le CDH, « ce parti pur comme l’enfant qui vient de naître et qui appelle à ses côtés ceux qui ne sont pas pourris… »

C’est ce qui s’appelle se faire proprement débarquer…

Un partenaire qui décide de jouer en solo, sans tirs de sommation, c’est assez curieux. Si c’est l’attitude dégagiste qui devient la nouvelle culture politique…. Mais bon: cette surprise nous plonge dans une situation totalement inédite. Attention, tout de même. C’est bien de dire à un partenaire: « Sors du lit, je veux en mettre d’autres à ta place. » Encore faut-il avoir les majorités suffisantes pour cela. Et quand on regarde les chiffres, constituer des majorités de rechange ne sera pas si évident que ça. CDH-MR, cela risque d’être juste – juste. En politique, tout est question d’arithmétique.

À qui la main?

La procédure veut que ce soit le parti le plus important de l’éventuelle future coalition qui prenne l’initiative. J’imagine que ce parti, le MR pour ne pas le citer, aura à coeur de piloter la nouvelle déclaration de politique générale. Et de procéder au préalable à des consultations qui passeront sans doute aussi avec la plus importante force politique en Wallonie et en Région bruxelloise, le PS en l’occurrence.

Le décumul des mandats voulu par le PS devait gêner au CDH

En attendant, c’est « basta le PS »…

Le CDH dit: « Vous les socialistes, vous êtes là depuis trente ans, il est temps de changer de monture. » C’est le « Casse-toi, tu pues », en somme. À croire que tout à coup, tout ce qui est socialiste est devenu mauvais. L’acte posé par Benoît Lutgen me fait penser au coup fait par le Premier ministre Tindemans en 1978, lorsqu’il a torpillé le pacte d’Egmont en annonçant brutalement sa démission à la Chambre. Avant, tout se construisait autour du CVP. Aujourd’hui, c’est apparemment autour du CDH, ce parti pur comme l’enfant qui vient de naître et qui appelle à ses côtés ceux qui ne sont pas corrompus et pourris. A la place du CDH, je serais quand même prudent.

Quelle autre mouche aurait piqué le CDH que le besoin urgent de se distancer des « affaires » qui collent au PS?

J’imagine que le projet de décumul de mandats porté par le PS devait gêner au CDH: Maxime Prévot, Benoît Lutgen, René Collin, Dimitri Fourny auraient été concernés. Neufchâteau, Bastogne, Marche-en-Famenne: pour le parti, cela faisait beaucoup de monde en province de Luxembourg. Avec le MR, ils n’auront pas ce problème, puisque les libéraux sont opposés au décumul.

Wallon ou Bruxellois, le socialiste est devenu infréquentable ?

J’entends Benoît Lutgen qui exprime son dégoût des affaires à rebondissements, parle de cupidité qui dépasse tout entendement. Vous trouvez que ce sont des manières, d’associer ainsi tous les socialistes à quelques individus qui ont été sanctionnés pour leurs actes ? Bonjour l’amalgame.

Le PS relégué dans l’opposition intégrale, cela ne s’est plus vu depuis 1988. Une chance historique à saisir pour rebondir?

Je ne crois pas à la piste du ressourcement dans l’opposition. Le PS a vocation à gérer, à prendre ses responsabilités. Nous, socialistes, sommes à la source du Plan Marshall et au moment où la Wallonie commence à en recueillir les fruits, on nous flanque à la porte. Pour trois ou quatre scandales à propos desquels nous avons réagi. Car chez nous, des têtes sont tombées. Et ailleurs? Il y a aussi du CDH et du MR dans Publifin, si je ne m’abuse.

Le PS saura-t-il résister à la traversée du désert?

On va probablement voir un certain nombre de personnes qui vont nous quitter, en sentant le vent tourner. Moi, je serai là. Et je compte bien travailler avec le président Di Rupo pour réussir les prochaines élections. Nous avons des valeurs, un discours, un projet, et nous avons fait nos preuves.

Elio Di Rupo reste l’homme de la situation?

Ce n’est pas quand la mer est démontée et que le navire tangue que l’on change le capitaine. Sinon, on va droit vers les écueils.

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