Jan Jambon © Belga

Fermeture de quatre casernes de la protection civile: « pas une bonne réforme pour le citoyen »

Quatre casernes de la protection civile vont devoir fermer définitivement leurs portes d’ici la fin de la décennie, dans le cadre de la réforme de ce département progressivement transformé en service de deuxième ligne de la sécurité civile. Seuls subsisteront les postes avancés de Crisnée et de Brasschaat qui verront leurs moyens humains et matériel renforcés, a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA).

La réforme du service de la protection civile qui compte quelque 400 agents, suscite de l’inquiétude au sein des organisations syndicales et des six communes qui hébergent actuellement des postes avancés: en Wallonie, Ghlin, Crisnée et Libramont; et en Flandre, Jabbeke, Liedekerke, et Brasschaat. A cela s’ajoute la crainte de voir le délai d’intervention sensiblement augmenter en cas de catastrophe, si on limite le nombre de postes avancés.

Jan Jambon estime que le facteur d’urgence est plus important pour les services de première ligne (pompiers), sa réforme, qui concrétise les engagements pris dans l’accord de gouvernement, s’articulant autour du postulat selon lequel la protection civile joue un rôle de deuxième ligne derrière les services de secours classiques, lorsqu’un travail très spécialisé est requis, par exemple en cas d’accident chimique, de bris de digue, voire de catastrophe nucléaire. Il n’est plus question de tâches de première ligne telles que des interventions en cas d’incendie ou d’accidents de la route pour lesquels le ministre de l’Intérieur compte désormais partout sur les pompiers.

Rationaliser davantage le service et renforcer l’efficacité

La réforme doit donc mettre un terme à une pratique actuelle par laquelle certaines casernes de la protection civile exécutent des tâches dévolues aux pompiers ou envoient des ambulances sur place. Le choix des casernes ne s’est pas fait au hasard ou parce que le ministre est bourgmestre de Brasschaat, localisation d’une des casernes préservées avec celle de Crisnée. Selon M. Jambon, il résulte de l’analyse conjuguée du nombre d’opérations menées au départ de ces postes, du coût de leur réaménagement pour accueillir du personnel supplémentaire et d’une analyse de risque dans le cadre du nouveau paquet de missions qui leur sera assigné. Le ministre a toutefois indiqué que les casernes de Jabbeke, proche de la mer, et de Ghlin, proche de l’OTAN, exerçaient des missions spécifiques qui seront exercées à l’avenir par les zones de pompiers de Flandre Occidentale et du Hainaut centre qui reprendront pour ce faire des effectifs et du matériel de la protection civile.

L’objectif avoué de la réforme n’est pas de faire des économies sur le budget qui sera maintenu, mais de rationaliser davantage le service et d’en renforcer l’efficacité. En outre, le statut du personnel de la protection civile sera calqué sur celui des pompiers, plus avantageux. Selon M. Jambon, ce changement pourra représenter, pour certains, une hausse de quelque 20% du revenu. Il n’y aura pas de licenciement sec. Mais un certain nombre d’agents devront soit déménager pour se rapprocher des postes maintenus en activité, soit, tenter leur chance dans une caserne de pompiers, au service 112, ou dans des services publics proche de chez eux. Le tout se fera progressivement au cours de la période 2017-2019.

L’annonce de la fermeture de quatre casernes, un choc

L’annonce d’une réforme du service de la protection civile faisant passer le nombre de casernes de six à deux constitue un choc, même si cela confirme ce qui était officieusement dans l’air depuis quelques mois, d’autant que cela se soldera par une réduction d’effectifs de l’ordre d’un tiers, a affirmé mardi Jean-Marc Delfosse, secrétaire permanent CSC pour le SPF Intérieur.

Pour ce dernier, invité à réagir à la présentation du plan de réforme de la protection civile par le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA), les informations sont pour le moins peu précises sur l’impact social et sur la marge de négociation accordée pour réduire l’effet du plan sur la situation des agents.

« Nous sommes sous le choc, même si cela ne fait que confirmer le passage de six à deux casernes. Au sein de la protection civile, les effectifs vont passer de 453 à 313. Selon quels critères, cette réduction d’effectifs sera réalisée? Quel sera le prix à payer pour accéder au statut des pompiers que l’on nous fait miroiter sachant que nombre d’agents ont déjà atteint un certain âge? Quel sera le sort des nombreux agents de niveau D dont il ne sera pas aisé de faire des ingénieurs dans un service voué à la spécialisation? Quid des horaires? Quid de l’avenir des brevets obtenus par certains, auxquels sont liés des modifications de traitement? », s’interroge M. Delfosse.

Le représentant de la CSC s’est dit très circonspect quant à la marge de négociation que laissera le gouvernement lorsque le texte de la réforme sera ficelé, sachant que jusqu’ici, la marge que l’équipe Michel a laissée dans d’autres réformes en application de l’accord de gouvernement a toujours été très faible. A tout le moins, le ministre de l’Intérieur devrait créer, pour commencer, à l’attention du personnel un FAQ, précisant le contenu de la réforme et de ses implications. Jean-Marc Delfosse s’est dit favorable, à titre personnel, à un travail syndical en front commun sur ce dossier.

Réaction mitigée du syndicat de la caserne de Crisnée

Bien que la caserne de Crisnée soit une des deux qui ne disparaîtra pas, le délégué SLFP Michel Piette ne s’est pas vraiment réjoui de l’annonce du ministre de l’Intérieur de supprimer quatre casernes de la protection civile sur six. « Il ne restera que 320 travailleurs sur les 480 occupés actuellement, même s’il n’y aura pas de licenciement sec. Il s’agira de pensions, prépensions et reclassement chez les pompiers », indique-t-il.

« A Crisnée, nous allons voir notre personnel passer d’un peu moins de 100 personnes à 160 mais certains travailleurs ne seront pas très heureux de devoir faire 100 km de plus chaque jour s’ils viennent de Ghlin ou de Libramont », poursuit le délégué syndical. « Nous n’interviendront plus en urgence et nos tâches seront plus pointues: recherches de personnes, intervention sur menace chimique ou nucléaire, communication.

Mais il n’y aura plus d’interventions « en doublon » avec les pompiers, ce qui est une bonne chose. » Le bourgmestre de Crisnée, Philippe Goffin, quant à lui, souligne l’importance des investissements qui viennent d’y être effectués. « L’outil a été complètement modernisé et nous avons une véritable expertise, se réjouit-t-il, si on avait dû fermer, c’eût été le top des travaux inutiles. En outre, notre caserne est superbement située en plein coeur d’un réseau autoroutier, proche de la Meuse et de l’aéroport. Sa fermeture aurait-été incompréhensible. »

Fermer la caserne de Ghlin n’est « pas un bon choix »

Pour Joêlle Brouillard, commandante de la protection civile à Ghlin (Mons), la décision du ministre de l’Intérieur Jan Jambon de ne pas conserver la caserne de Ghlin, située dans une importante zone Seveso, n’était pas un bon choix. Elle regrette que le ministre ait décidé de ne conserver que les casernes de Brasschaat et Crisnée.

La caserne de la protection civile de de Ghlin est une des quatre casernes dont le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) a annoncé la fermeture. « Je trouve que le choix de Crisnée n’est pas un bon choix, même si la centrale nucléaire de Tihange est proche de cette caserne », a indiqué Joëlle Brouillard. « Ghlin est située tout près d’un important site Seveso, tout près du SHAPE et de la base aérienne américaine de Chièvres. De plus, Brasschaat et Crisnée sont toutes les deux à l’est de la Belgique. On aurait pu espérer que la réforme passe de 6 à 4 casernes dans un premier temps et de 4 à 2 dans un second. » Les conditions de mise en place de la réforme ne sont pas encore connues. La caserne de Ghlin compte aujourd’hui 120 travailleurs dont le sort n’est donc pas encore fixé. « On sait que 30% du personnel doit disparaître au niveau national.

Le ministre a parlé de reclassement, notamment vers le service 112, vers le nouveau corps de sécurité de la police, vers la Justice, vers le SPF Intérieur, vers les zones de secours et vers les casernes restantes de la protection civile. Un certain nombre de personnes de Ghlin seront transférées vers la zone de secours Hainaut-Centre qui va donc devoir s’organiser pour pallier notre absence à Ghlin. » Par ailleurs, le sort des contractuels n’est pas assuré, ajoute Mme Brouillard: « A Ghlin, nous en avons 6 ou 7 qui sont là depuis plus de trente ans. » Une réunion est prévue le 4 mai au terme lors de laquelle seront annoncés les critères de sélection pour les travailleurs. La réforme doit être d’application pour début 2019, selon la commandante.

Aucune perte d’emplois après fermeture de la protection civile de Libramont

Le ministre fédéral Willy Borsus a précisé, mardi, par communiqué, que la zone de secours Luxembourg serait renforcée suite à la décision de fermeture la caserne de le protection civile de Libramont et qu’il n’y aurait aucune perte d’emplois.

La caserne de Libramont serait fermée au 1er janvier 2018. Cette unité compte actuellement 58 agents formant le cadre professionnel, 25 volontaires brevetés et 9 volontaires réservistes. « Aucun emploi ne sera supprimé avec la réforme: les agents seront soit transférés vers l’unité de protection civile basée à Crisnée ou vers la zone de secours Luxembourg après concertation avec celle-ci (dans les deux cas, le transfert entraîne une revalorisation salariale d’environ 30 %), soit transférés vers d’autres SPF (Intérieur, Justice), ou encore pensionnés (pension préalable sur base volontaire) d’ici l’implémentation de la réforme au 1er janvier 2018 », précise le communiqué.

Quant au bâtiment, assez récent, le SPF Intérieur est prêt à le céder, par emphytéose, à la zone de secours Luxembourg pour 1 euro symbolique. « Il pourrait également lui céder le matériel spécifique de la protection civile de Libramont dont, après analyse de risque, la présence s’avérerait indispensable au sein de la zone Luxembourg (par exemple, le matériel de désincarcération lourd). Ce transfert pourra s’accompagner de celui du personnel compétent pour sa mise en oeuvre (avec intervention financière du SPF Intérieur pour sa rémunération) », indique encore le cabinet du ministre Borsus.

La réforme de la protection civile n’est pas bonne pour le citoyen

Le député fédéral et bourgmestre d’Hensies, Eric Thiébaut (PS), estime, pour sa part, que la réforme de la protection civile annoncée n’est pas une bonne chose pour la protection globale des citoyens.

« Mes craintes sont confirmées », a indiqué M. Thiébaut à l’agence Belga. « Je regrette la diminution du nombre de casernes de la protection civile pour protéger le pays. Je pense que nous sommes dans la logique de la N-VA qui veut absolument réduire, dès qu’elle le peut, tout ce qui est fédéral », a-t-il poursuivi.

« Dans le cas présent, on va transférer une partie du personnel de la protection civile, notamment, vers les zones de secours. Les casernes de proximité n’existeront plus, ce qui n’est pas bon pour la protection globale des citoyens, même si le ministre prétend que les missions de première nécessité de sécurité seront remplies par les pompiers », ajoute l’élu socialiste. « Dans notre région, je suis convaincu qu’il est nécessaire d’avoir une présence de la protection civile à Ghlin avec du matériel spécifique, notamment pour des missions ‘Seveso’, pour des missions au niveau des communes, par exemple, pour la stabilisation de bâtiments en danger. »

« La réforme telle qu’annoncée implique donc que des agents de la protection civile, s’ils veulent continuer à y travailler, vont devoir pratiquement déménager vers les deux casernes restantes, Brasschaat, près d’Anvers, et Crisnée, en bordure de la région flamande. On ne peut dès lors s’empêcher de voir derrière ces choix une option très politique », conclut M. Thiébaut.

Liedekerke attaquera la décision de fermer la caserne

De son côté, la commune de Liederkerke attaquera « dans le sens le plus large du terme » la décision « prise à la légère » du ministre de l’Intérieur de fermer la caserne de la protection civile située sur son territoire, a affirmé mardi le bourgmestre de cette commune de Flandre orientale, Luc Wynant (CD&V), actuellement en vacances à l’étranger.

Aujourd’hui, il faut investir dans l’extension de la sécurité et non dans son appauvrissement. Notre ambition doit être de faire de la Belgique, de la Flandre, non seulement la région la plus créative et la plus innovante, mais aussi la plus sécurisée. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours plaidé pour le maintien des casernes de Liedekerke et de Brasschaat », a réagi le bourgmestre de Liedekerke.

M. Wynant ne digère pas non plus le fait qu’un ministre puisse prendre seul une décision sur une question aussi importante. « La sécurité des citoyens de ce pays constitue un droit fondamental sur lequel il revient au parlement de s’exprimer. De cette manière, chaque parlementaire peut décider en connaissance de cause si la fermeture d’une caserne constitue la bonne décision dans l’intérêt de la sécurité de chaque citoyen », a ajouté Luc Wynant.

« On peut s’inquiéter du délai d’intervention des moyens lourds »

Du côté des hommes du feu on s’inquiète « du prochain délai d’intervention » de la protection civile, qui bénéficie pourtant de moyens matériels bien plus importants.

Les syndicats des pompiers n’ont pas directement été informés du plan de M. Jambon. « On ne peut donc pas encore vraiment se prononcer », estime Eric Labourdette, du SLFP zones de secours. Certaines affirmations du ministre de l’Intérieur laissent quand même le syndicaliste perplexe.

« Une caserne a un coût, il y a des charges, des frais d’entretien… en fermant une caserne on fait des économies », réplique-t-il à la promesse du ministre de maintenir le budget du secteur. Le potentiel humain et matériel sera lui transféré dans les deux casernes survivantes – Crisnée et Brasschaat – mais aussi dans les zones de pompiers de Flandre Occidentale et du Hainaut. Les pompiers restent avec de nombreuses questions, notamment relatives aux infrastructures, mais s’inquiètent surtout du délai qui sera désormais nécessaire à la protection civile pour arriver en renfort en cas de catastrophe.

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