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Ferdinand Porsche à Bruxelles, sans son passé nazi

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

La dynastie du célèbre constructeur automobile allemand est à l’honneur au Musée Autoworld à Bruxelles. Une occasion exceptionnelle de découvrir le génie créateur de son fondateur, Ferdinand Porsche. A l’exception de son active contribution à la machine de guerre nazie.

Ce 6 décembre, l’Autoworld à Bruxelles déroule le tapis rouge sous les pieds du prestigieux constructeur de bolides allemands. Gros barnum sur le site du Cinquantenaire, théâtre jusqu’au 19 janvier d’une impressionnante concentration d’une quarantaine de voitures de sport, fournies par des musées internationaux et des collectionneurs privés. Pour le plaisir des yeux.

Le site internet de l’Autoworld met l’eau à la bouche. Le visiteur est invité à parcourir la « fabuleuse histoire d’une famille qui devint une marque. » A entrer « dans le monde de chacun des Ferdinand qui apporta sa touche personnelle » à la success story : Ferdinand Anton Ernst dit « Ferry », Ferdinand Alexander dit « Butzi » , Ferdinand Karl Piëch. Mais à tout seigneur tout honneur, le patriarche, celui sans qui la merveilleuse saga n’aurait jamais commencé : Ferdinand, tout court. La vedette de la dynastie, celui dont le visage se découpe d’ailleurs sur le fond de l’affiche de l’exposition.

Ferdinand Porsche, c’est l’homme « féru d’électricité, génie et visionnaire, qui consacra sa vie à mettre au point et à faire évoluer les moteurs des voitures avant la Seconde Guerre mondiale », comme le rappelle la fiche de présentation fournie par l’Autoworld. Elle égrène les grandes dates d’une colossale ascension. 1875 : naissance en Bohême. 1900 : la première voiture électrique. 1906-1930 : carrière chez Austro-Daimler et Mercedes-Benz. 1930 : création du bureau d’études à Stuttgart, la base de sa légendaire réussite, là « où il peut exprimer son génie en toute liberté » et concevoir des voitures de course révolutionnaires ainsi que la Volkswagen. Tout cela « avant le déclenchement de la guerre. » Et puis, un grand saut dans le temps, pour atterrir en 1951, l’année du décès du génial concepteur.

La « fabuleuse histoire » ne raconte pas tout. Il manque un chapitre au palmarès de l’industriel allemand. Un passage prolongé par la case du régime nazi, une collaboration intense à la machine de guerre hitlérienne. La mise entre parenthèses est assumée par le directeur du musée, Sébastien de Baere. « Ce n’est pas par volonté de ne pas en parler. Mais c’est une belle histoire que nous voulons raconter. Sans s’occuper de politique. » Herman De Croo (Open VLD), le président de l’Autoworld, couvre le raisonnement. Et balaie l’objection d’un revers de la main. « Ce n’est pas le personnage Ferdinand Porsche qui est mis à l’honneur, mais le pionnier de la voiture électrique et le créateur automobile qu’il a été. L’idéologie n’a rien à voir là-dedans. La question ne s’est d’ailleurs pas posée », réagit le député libéral.

De fait, la question n’est pas remontée aux oreilles du conseil d’administration. Ni manifestement à la Région de Bruxelles-Capitale, le pouvoir public qui sponsorise la manifestation. Invité par Le Vif/L’Express à livrer son point de vue, le cabinet du ministre-président Rudi Vervoort (PS) est resté sans réaction.

Par Pierre Havaux

Le dossier dans le Vif/L’Express de cette semaine, avec :

– Le génie créateur peut-il tout excuser ? L’avis des historiens
– Les liens de Herr Doktor Porsche avec le régime nazi



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