Thierry Denoël

Faut-il avoir peur du fisc ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Il sera bien difficile de passer entre les mailles du filet du contrôleur fiscal, désormais. Ce dernier sera en effet armé d’une méga-banque de données incluant toutes les informations concernant le contribuable.

La commission de la protection de la vie privée vient de donner son feu vert au ministre des Finances pour créer ce Big Brother informatique. Et l’administration semble déterminée : son grand manitou Carlos Six a annoncé au début de l’année que ses limiers éplucheraient deux fois plus de déclarations en 2012, grâce à Tax-on-Web.

Il y aurait du pain sur la planche si l’on en croit les résultats de la récente étude du Pr Jozef Pacolet (KUL) : 4 Belges sur 10 avouent avoir acquis des biens ou services au noir, durant l’année écoulée ; 15 % avouent avoir travaillé au noir, pendant cette période. Qui dit travail au noir dit chiffre d’affaires non déclaré. Plus de 15 % des employés déclarent avoir reçu des remboursements de frais professionnels fictifs. Vu la qualité de l’échantillon, ces chiffres seraient même sous-estimés, selon le chercheur (lire à ce sujet Le Vif/L’Express du 19 avril). De quoi motiver les fiscards !

Encore faut-il que les contrôles suivent… Là, l’étude Pacolet (réalisée lorsque Didier Reynders tenait les rênes des Finances) est édifiante : 8 Belges sur 10 ne craignent pas d’être contrôlés ! Et pour cause. Selon nos informations, sur les 1 700 agents des centres de contrôles de l’AFER (administration de la fiscalité des entreprises et des revenus), environ un millier seulement sont affectés aux vérifications approfondies. Des contrôles efficaces supposent, en outre, des contrôles soigneusement ciblés. Les plans d’action anti-fraude ont accusé bien des ratés et des lacunes sous la précédente législature. Dans le plan 2009-2010, seuls trois contrôles sectoriels avaient été planifiés côté Finances et les moyens n’ont pas toujours suivi.

Doit-on s’attendre à un réel bouleversement sous ce gouvernement ? Il ne sera pas simple de comparer les chiffres d’une année à l’autre, car la typologie des contrôles a été complètement revue depuis le 1er janvier. Par ailleurs, l’an dernier, l’AFER a déjà essayé de booster les contrôles, mais, dès avril 2011, ses ambitions ont dû être revues à la baisse. Il est bien beau de se doter d’outils performants, comme la super-banque de données. Mais ceux-ci ne devront pas rester dans leur boîte d’emballage si l’on veut que les contribuables craignent réellement d’être contrôlés.

Reste également à ne pas se tromper de cible. L’étude Pacolet l’a relevé : contrairement aux idées reçues, les allocataires sociaux fraudent beaucoup moins que le reste de la population. L’ingénierie fiscale et sociale pratiquée par les grandes entreprises est bien plus préoccupante. A ce sujet, pas mal de recommandations adoptées, il y a tout juste trois ans, par la Commission parlementaire spéciale sur grande fraude fiscale doivent être encore appliquées…

Thierry Denoël

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