Farid Bamouhammad, surnommé Farid "Le Fou". © Belga

Farid « Le Fou » est bien en liberté, mais très provisoire

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Farid Bamouhammad, 46 ans, est actuellement en liberté. Le détenu, connu sous le sobriquet de Farid « Le Fou » pour son comportement difficile en prison, bénéficie d’une liberté provisoire pour raisons médicales. Il a quitté l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles il y a quelques jours. Cette situation peut étonner mais n’est pourtant pas si extraordinaire.

En septembre, le détenu Farid Bamouhammad, dit Farid « Le Fou » pour son comportement difficile en prison – il a déjà été transféré 167 fois à ce jour – entamait une grève de la faim et de la soif. A la mi-octobre, il était transféré pour raison de santé de la prison de Marche-en-Famenne à celle de Saint-Gilles, qui dispose d’un hôpital. On apprend cette semaine, par voie de presse, qu’il est sorti de l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles où il avait ensuite été admis. L’un des prisonniers le plus difficiles du royaume dispose dorénavant d’une liberté totale de mouvement, sans surveillance policière, ni bracelet électronique, tout en continuant à suivre un traitement médical. Une situation qui peut surprendre concernant ce détenu incarcéré depuis 1985 pour meurtre, tentative de meurtre et tentative d’enlèvement. En 2005, il avait pris en otage sa fille et sa compagne à Bruxelles, alors qu’il profitait d’un congé pénitentiaire. A l’heure qu’il est, Farid Bamouhammad peut aller et rester où il veut jusqu’au début de l’année prochaine, a déclaré son avocat Marc Nève, interrogé par l’agence Belga.

Comment en est-on arrivé là ?

« Nous disposons de nouveaux rapports d’experts qui disent que mon client ne peut psychiquement pas faire face à un retour en prison » avance Marc Nève qui confirme qu’aucune autre mesure d’accompagnement ou de sécurité n’a été ordonnée. Le président du tribunal de première instance de Liège aurait ordonné cette libération provisoire suite à des rapports faisant état de ses conditions de détention. « Le ministre de la Justice aurait pu prendre lui-même une décision, mais ne l’a pas fait. C’est parce qu’il n’a pas tranché que le tribunal de première instance a dû se prononcer« , ajoute l’avocat. De manière unilatérale donc, la partie adverse – l’Etat belge – n’ayant pas été entendue. Marc Nève précise que le cabinet de Koen Geens a été mis au courant de la situation et du lieu où se trouve Farid Bamouhammad.

Pas de comparution avant janvier

Le ministre de la Justice a expliqué, de son côté, vendredi, sur les ondes de la VRT, son opposition à la libération provisoire du détenu, qu’il fera valoir devant la justice liégeoise. L’Etat belge introduira ce qu’on appelle « une tierce opposition » contre cette libération. Oui mais voilà, les plaidories sur ce cas ne commenceront que le 13 janvier, pas avant, ce qui laisse un petit mois au détenu turbulent pour profiter pleinement de sa liberté de mouvements.« Malheureusement la seule chose qu’on peut faire dans un Etat de droit, avec l’espoir qu’on puisse mettre un terme à cette libération. Que ceci passe mal aux yeux du public, et en l’occurrence même aux yeux du ministre de la Justice, est difficile à éviter« , a déclaré Koen Geens. « Jusque-là, mon client est un homme libre, comme vous et moi« , se targue encore l’avocat de Farid Bamouhammad.

Un magistrat contacté par nos soins ne semble pourtant pas s’étonner outre mesure de cette situation. « Des détenus attendent parfois pendant des mois avant de recevoir leur bracelet électronique, sans aucune surveillance, à la maison« , avance-t-il comme exemple. « Il existe aussi de nombreuses possibilités de demandes de congés pénitentiaires, souvent sans justificatifs, et de permissions, même pour les plus grands criminels, « , ajoute-t-il. Quant aux risques que Farid « Le Fou » se tranforme en fugitif et ne se présente pas en janvier comme prévu devant la justice, voire même qu’il ne quitte le pays, il lui semble assez minimes étant donné que le prisonnier est suivi de près. « La justice aura tôt fait de le rappeler à l’ordre pour le ramener en prison. Et s’il quitte le territoire belge, les dispositifs légaux européens permettront de mettre rapidement la main dessus ».

Selon des sources au sein de l’administration pénitentiaire, ce serait la première fois qu’un prisonnier gréviste de la faim est libéré provisoirement pour des raisons de santé. Les prisonniers qui sont libérés de la sorte sont souvent trop malades que pour pouvoir ensuite encore retourner en prison. Pourtant, à partir du moment où Farid Bamouhammad sera remis totalement sur pied et dès qu’un jugement aura déclaré ses conditions de détention adaptées à son état de santé, il devra retourner purger sa peine qui court jusqu’en 2026. L’homme ne sera donc pas longtemps « dans la nature ». Cependant, comme le précise l’avocat du détenu, « il peut encore y avoir appel, tout comme un débat peut être suscité auprès du tribunal d’application des peines ». Réponse après les fêtes.

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