Hans D'Hondt. © Belga

Fallait-il vraiment récompenser le fisc ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le SPF Finances a été élu Organisation publique de l’année 2017, en raison notamment de sa mue interne et de sa réduction drastique d’effectifs. La culture est certes en train d’évoluer au sein de l’administration fiscale. Mais ce prix est-il mérité pour autant ?

Lorsqu’il a brandi son prix de verre hier, le patron de la plus grosse administration du pays ne cachait pas sa joie, devant le parterre de 800 invités. Hans D’Hondt (étiqueté CD&V) avait de quoi être fier, lui dont le SPF essuie régulièrement des critiques de la part des médias et de diverses experts. Le jury a justifié la récompense ainsi attribuée par la réussite de la mue de cette administration mammouth qui est passée d’un modèle subdivisé en services (IPP, TVA, ISOC) à un modèle partagé en groupes cibles ou piliers (indépendants, sociétés, particuliers). Autre raison : la délégation de responsabilité à tous les fonctionnaires du fisc qui ne doivent plus se reposer sur une hiérarchie classique. Et cela, dans le cadre d’une réduction du nombre d’agents fiscaux de 30 % depuis 2002. A l’aune de ces critères, le prix attribué au SPF Finances paraît certes mérité.

On ne peut toutefois applaudir en choeur la remise du trophée sans nuancer les choses. La réduction importante du nombre de fonctionnaires n’est, en effet, pas appréciée de tous, à commencer par les syndicats mais aussi par certains dirigeants du SPF qui estiment que le dégraissage a atteint ses limites depuis longtemps, en particulier pour les tâches de gestion. On verra surtout à l’automne prochain comment l’administration fiscale gérera le flux d’informations (sans doute énorme) qu’elle recevra dans le cadre de l’échange automatique de renseignements bancaires entre cinquante pays de l’OCDE. Soulignons, que la remise du prix intervient, fort opportunément, à la veille d’un nouveau round de protestation des syndicats.

Il est aussi piquant de constater que le jury d’hier était présidé par le patron de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) qui récompense donc la réduction de moyens du fisc. Et, comme l’a fait remarquer le bouillant directeur de l’ISI Gand Karel Anthonissen, ce prix a été créé par des consultants d’Ernst&Young. Le conseiller fiscal récompense le contrôleur fiscal… Notons qu’en mai prochain, le cabinet Ernst&Young comparaîtra devant le tribunal correctionnel d’Anvers, parmi onze accusés, dans le cadre d’une fraude de plus de 11 millions d’euros de la société d’électroménager Hugo Van Praag.

Il faut, par ailleurs, souligner que le prix, s’il récompense la nouvelle structure administrative, ne dit rien sur la réelle efficacité de ce qui a été mis en place. Ne citons qu’un exemple : la cour des comptes dénonce, depuis des années, l’absence d’agents opérationnels en TVA. Selon un ancien fonctionnaire très impliqué dans Coperfin (la grande réforme du SPF), cette lacune est due à un bras de fer corporatiste au sein de l’administration entre les managers TVA et ceux des contributions directes. Depuis quinze ans, les seconds ont écrasé le poids de la TVA en faisant en sorte qu’on ne recrute pas suffisamment d’agents au profil TVA. Or on sait, et les chiffres de l’Union européenne le démontrent, qu’en améliorant les contrôles TVA, l’Etat belge pourrait récupérer jusqu’à 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires (Le Vif/L’Express du 22 janvier 2016). Ce gap trouve son origine essentiellement dans la fraude classique à la TVA. Dans ce domaine, la Belgique est un mauvais élève par rapport à ses voisins directs.

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