Thierry Fiorilli

Faîte national

Thierry Fiorilli Journaliste

« Mais quelle mission donc pour Philippe dans cette Belgique frappée d’obsolescence ? Quel rôle dans le brouillard institutionnel et politique d’aujourd’hui ? Lui se verrait bien en guide, en facilitateur, nous dit-on.

Traduction ? Pour sauver ce qui peut l’être, influencer le politique, réconcilier le nord et le sud, écraser la menace républicaine rampante de la N-VA ? Noble ambition, mais une vie entière n’y suffirait pas. Même pour quelqu’un qui a passé trente ans à se préparer. Non, le plus urgent sera bien de convaincre qu’il est « the right man at the right place ». […] Auréolé d’un premier état de grâce, Philippe devra parler vrai. Trouver les mots et le ton justes, raconter le bon récit, subtil mélange de fond et d’émotion, réagir de manière pertinente. »

C’étaient les questions et les défis qu’avançait notre éditorial il y a tout juste un an. Sous le titre Sceptre en surtension, il précédait de quelques jours l’intronisation de Philippe. Douze mois plus tard, on peut parler de « sceptre en suspension ». Non pas qu’il ne tienne qu’à un fil, mais plutôt parce que ce Roi dont personne ne voulait incarne désormais, et bien davantage encore que ses prédécesseurs, un sommet de l’Etat posé dans les airs. La partie la plus élevée du « bâtiment Belgique », mais sans structure intermédiaire. Un faîte flottant au-dessus d’un vaste assemblage de pièces et d’étages, parfois d’équerre, par endroits de guingois, mêlant styles roman, gothique, baroque, néo et postmoderne.

Dans ce contexte, il serait malhonnête d’affirmer que Philippe s’en est mal tiré.

Les mots et le ton justes ? Au moins ceux qui ne fâchent pas : deux discours, l’un le 21 juillet 2013, l’autre le 24 décembre, pour essentiellement rappeler, sobrement, la devise du pays, sans l’énoncer : « La richesse de notre pays et de notre système institutionnel réside notamment dans le fait que nous faisons de notre diversité une force. Nous trouvons chaque fois l’équilibre entre unité et diversité. La force de la Belgique est justement de donner un sens à notre diversité » ; « Il faut tisser des liens entre toutes les composantes de notre société. »

La réaction pertinente ? La désignation, rapide et logique, de Bart De Wever puis de Charles Michel comme informateurs, après les élections, démontre que oui. La volonté de contrôler la communication et les activités de toute la famille royale relève de la même logique, à défaut d’avoir été jusqu’ici couronnée de succès.

Le rôle de facilitateur ? En un an en tout cas, Philippe n’a, officiellement, jamais été source d’une quelconque difficulté pour qui que ce soit. Tout le monde ne peut pas en dire autant, à son égard et dans son entourage.

La réconciliation nord-sud ? Le résultat des élections du 25 mai prouve que la mission est bel et bien impossible. Mais sa popularité en Flandre, plus qu’honorable, suggère qu’il n’a pas creusé davantage encore le fossé entre les deux grandes Communautés. A l’image des Diables Rouges. De quoi considérer qu’il a contribué à enrayer, au moins provisoirement, l’offensive séparatiste et républicaine de la N-VA.

Le guide dans le brouillard institutionnel ? La question n’est plus d’actualité, du moins en ce qui concerne le rôle de Philippe. Puisqu’il symbolise, on l’a écrit plus haut, le niveau le plus élevé de l’édifice fédéral belge mais sans aucune prise sur son fonctionnement.

Ce 21 juillet, jour de fête nationale, il tiendra donc un discours, forcément réunificateur, pour la forme. Chef sans pouvoir d’un Etat qui n’est pas près de se doter d’un gouvernement tenant compte des différentes « composantes de la société ». Alors que les Régions et les Communautés, elles, par stratégie ou idéologie, avancent de leur côté comme bon leur semble.

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