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Face au manque de personnel, les tribunaux recourent à des « solutions de fortune »

La plupart des tribunaux estiment manquer de personnel, confirme un audit sur la gestion des ressources humaines au sein des tribunaux de première instance présenté lundi par le Conseil supérieur de la Justice (CSJ). Tous font ce qu’ils peuvent pour pallier cette pénurie, mais le morcellement de la gestion des ressources humaines et les moyens limités compliquent leur tâche. Il faut d’urgence mettre au point un instrument de mesure de la charge de travail formalisé et commun à toutes les entités, recommande l’organisme fédéral indépendant.

Les cadres du personnel ne sont actuellement pas remplis par le ministre de la Justice Koen Geens, en raison d’une mesure d’économie. « La promesse du ministre de remplir les cadres à 90% est globalement respectée, mais il y a quand même des situations plus problématiques. Au niveau des sièges, on est sous les 90% à Mons et dans le Brabant wallon. Au niveau des parquets, on est à 55% seulement au Luxembourg », a rappelé Magali Clavie, la présidente du CSJ.

De plus, les cadres ne sont pas fixés sur la base d’une analyse objective des besoins de chaque tribunal. Les malades de longue durée, par exemple, y figurent toujours.

Mené par le CSJ à sa propre initiative, l’audit confirme que la plupart des tribunaux ressentent une pénurie de personnel. Cet audit n’a cependant pas cherché à objectiver lui-même les besoins, qui peuvent varier fortement d’un tribunal à l’autre.

Il appartient au Collège des cours et tribunaux d’élaborer un instrument de mesure de la charge de travail, ce qu’il est d’ailleurs en train de faire, a précisé Christian Denoyelle, le président de la Commission d’avis et d’enquête réunie du CSJ.

La majorité des tribunaux ont mis en place leur propre outil d’évaluation des besoins mais ceux-ci sont souvent « assez basiques » et ne permettent pas d’effectuer des comparaisons. Un instrument de mesure uniforme s’impose d’autant plus qu’il est question de supprimer totalement les cadres, relève le CSJ.

Il faudrait aussi profiter de la réforme en cours sur la gestion autonome des tribunaux pour développer « un seul et même modèle de gestion de l’ensemble des aspects en lien avec le personnel, du recrutement à la retraite ».

A l’heure actuelle, la gestion des ressources humaines au sein de l’ordre judiciaire est tellement morcelée que pas moins de neuf partenaires ont leur mot à dire pour nommer un magistrat, par exemple. Le processus de recrutement est si long que, lorsqu’ils entrent en service, les candidats sélectionnés ne répondent parfois plus aux besoins.

Quant au récent réaménagement du paysage judiciaire en 12 arrondissements au lieu de 27, il n’a pas permis les économies d’échelle escomptées. Pour vraiment tirer profit de ce réaménagement, le législateur et le ministre de la Justice devraient prévoir des mesures d’accompagnement à destination du management (en gestion des ressources humaines, informatique, etc.). Il conviendrait aussi de supprimer les freins à la mobilité des collaborateurs de greffe entre les divisions d’un même tribunal.

En attendant, les tribunaux ont mis en place des solutions diverses pour faire face au manque de moyens humains: ils réduisent les heures d’ouverture des greffes, organisent des audiences plus chargées ou favorisent les communications informatiques. Beaucoup font aussi appel à des auxiliaires externes temporaires, comme des personnes engagées sous l’article 60 de la loi sur les CPAS ou des étudiants stagiaires.

Ces initiatives s’apparentent à des « solutions de fortune », et il est temps que le ministre de la Justice « prenne ses responsabilités », conclut le CSJ.

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