Thierry Fiorilli

Extrême droite en Europe : les loups en nos bergeries

Thierry Fiorilli Journaliste

Le vote des Grecs (7%) pour « Chryssi Avghi » (Aube dorée), dimanche, l’entrée au Parlement (23 députés) de ce parti néo-nazi et le discours de son führer, Nikolaos Michaloliakos – « L’heure de la peur a sonné pour les traîtres à la patrie » -, sont vécus avec un sentiment d’effroi et de stupeur. Si l’on partage le premier (assister à l’entrée de loups dans une bergerie glace toujours les sangs), le second est plus discutable. Parce que, imaginer encore, aujourd’hui, dans n’importe quel pays occidental, qu’on puisse échapper à un vote radical, alors que la population s’enfonce dans le marasme économique et social, c’est croire qu’on vit au pays des Bisounours.

Le constat vaut pour les dirigeants actuels, politiques, économiques et financiers, pour les médias et pour « les observateurs », généralement des gens favorisés, cultivés et informés. Mais qui sont de plus en déconnectés de la réalité de la vie quotidienne de ceux qu’ils dirigent, qu’ils informent ou qu’ils observent. À passer du temps dans les transports en commun, à discuter avec les commerçants dans leur négoce, à écouter les conversations dans les grandes surfaces, chez nous, à regarder les manifestations d’indignation, de colère, de détresse, ailleurs, on ne peut en effet que s’attendre à des votes sanctions, des votes rejets, dès lors que des partis d’extrême droite sont un tantinet organisés, où que ce soit, et qu’ils aient à leur tête des leaders capables de transformer les larmes des « braves gens » en voix pour ces formations de malheur.

Il ne faut pas se tromper : un parti populiste n’est pas forcément un parti néo-nazi, et un parti nationaliste n’est pas automatiquement un parti d’extrême droite. N’empêche : aujourd’hui, donc, la Grèce a son Aube dorée placée sur orbite ; la France a son Front national fort de son plus gros score électoral jamais réalisé ; la Belgique a la N-VA, parti nationaliste au programme beaucoup plus sectaire que tolérant, comme première formation du pays ; les Pays-Bas ont Geert Wilders et son Parti pour la Liberté qui font et défont les gouvernements ; l’Italie aurait toujours au pouvoir la Ligue du Nord si Berlusconi n’était pas tombé et qu’Umberto Bossi n’avait pas dû se retirer pour une affaire de détournements de fonds ; l’Autriche a toujours le FPÖ, même sans Haider désormais, qui flirte avec 30% de suffrages ; le Danemark est gouverné par les libéraux et les conservateurs qui sont appuyés par les populistes du DF (13%)…

Clairement dit : plus la crise se prolongera, plus elle sera profonde, plus elle touchera de monde, plus les sommets européens se solderont par des mesures budgétaires assommant encore davantage les citoyens, plus ces citoyens percevront leurs gouvernants traditionnels comme des vendeurs de slogans ou des penseurs en chambre, plus les diplômes ne serviront à rien, plus l’inquiétude de demain sera grande, et justifiée, plus les loups entreront dans la bergerie. Puisque les électeurs leur auront donné les clés pour ouvrir la porte, sans même avoir à l’enfoncer.

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