Thierry Fiorilli

Euthanasie : la noblesse de la politique

Thierry Fiorilli Journaliste

L’élargissement de la loi autorisant l’euthanasie aux mineurs d’âge n’est peut-être plus qu’une question de semaines : c’est mercredi prochain, 19 juin, que le Sénat se réunit, en commission, pour fixer l’ordre de ses futurs travaux, avec comme objectif avoué d’obtenir un vote en session plénière avant les vacances parlementaires, soit un peu avant le 21 juillet.

Sur la table, l’enjeu est clair : faut-il oui ou non permettre à des jeunes (âgés de12 à 18 ans, voire sans limitation d’âge) de demander à mourir, s’ils sont atteints d’une maladie incurable ? Et, bien sûr, selon des critères bien précis. Dans le débat, en cours depuis plusieurs mois, tout le monde n’est évidemment pas d’accord. Le CD&V est prêt à soutenir des modifications à l’actuelle loi, mais pas pour les enfants de moins de 15 ans. Le CDH, en substance, est contre et rappelle que le gouvernement Di Rupo n’est pas censé régler des questions éthiques (concrètement : que l’élargissement de la loi euthanasie n’était pas prévu dans le déclaration gouvernementale, donc dans les accords entre les partis qui ont décidé de composer l’exécutif fédéral). Le PS, le MR, l’Open-VLD et le SP.A plaident pour autorisation de l’euthanasie aux mineurs, sans fixer de limite d’âge, mais en laissant au médecin le soin de déterminer leur capacité de jugement, de discernement.

Se profile la possibilité, pour obtenir le nombre de voix nécessaires au vote de la probable future loi, de former une majorité de rechange : la N-VA et les écologistes, francophones comme Flamands, seraient disposés à apporter leurs voix à l’extension de l’autorisation telle que défendue par les libéraux et les socialistes, du Nord comme du Sud là aussi.

On sera bientôt fixé. Mais il apparaît presque acquis que la Belgique deviendra à court terme le deuxième pays au monde à autoriser ce qu’on appelle aussi le suicide assisté aux moins de 18 ans : depuis 1998, la pratique n’est légale qu’aux Pays-Bas.

Qu’on défende ou qu’on déplore cet élargissement de loi, une certitude s’impose : ce débat rend à « la politique » – et les dirigeants qui l’incarnent – cette hauteur, cette noblesse, dont elle/ils semble(nt) dépouillée(s) aux yeux tant d’une grosse partie des citoyens que de plus en plus souvent des médias. Bien sûr, gouverner et légiférer, quel que soit l’échelon de pouvoir (fédéral, régional, provincial, communal) implique toujours davantage, et singulièrement par temps de crise économique et sociale avec les critères européens à respecter (ces critères voulus ou en tout cas approuvés par les pays membres), de jouer à l’expert-comptable, de traquer les dépenses inutiles, de rogner, de justifier des comptes, d’évoluer sous l’oeil toujours plus inquisiteur et soupçonneux de toutes les communautés et tous les individus installés autour. Mais gouverner et légiférer, après que la population ait exprimé ses choix, par élections interposées, consiste aussi, consiste surtout, à façonner la société. La contemporaine et la future. En faisant évoluer les pratiques, les comportements, les mentalités. Et plutôt en élargissant les horizons qu’en les réduisant. Donc, en débattant d’enjeux et de réalités autres qu’économiques, budgétaires et comptables.

Ainsi de l’extension de la loi euthanasie, aujourd’hui.

Puisque ce n’est pas d’un référendum, d’un sondage ni d’un forum, dans lesquels « le plus grand nombre » pourrait s’exprimer, que jaillirait une solution. On vient de le vivre, pas loi, juste à côté, en France, avec la loi autorisant le mariage pour tous.

Et donc, lorsque les femmes et les hommes politiques retrouvent leur rôle d’aiguillons des sociétés, en affrontant les tabous et en parvenant à les dépasser, à les transcender, pour viser à davantage de dignité humaine, on doit pouvoir leur en rendre grâce.

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