Thierry Denoël

Europe : l’Espagne pire que la Grèce

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Cette fois, c’est bien le coeur de la zone euro qui s’enflamme. La main si facilement tendue par les autorités de Bruxelles pour venir en aide à une Espagne qui n’est plus capable de renflouer seule ses banques ne trompe personne.

L’Union ne peut pas se permettre de laisser la quatrième économie européenne au bord du gouffre. L’Espagne n’est pas la Grèce, ni le Portugal, ni l’Irlande : à elle seule, elle représente 12 % du PIB européen, soit le double des trois autres pays. Une glissade et c’est toute la cordée qui risque d’être emportée dans la crevasse. L’Italie en premier.

La panique gagne visiblement du terrain. La sortie du président américain qui presse l’Europe à agir est sans équivoque. Barack Obama craint la contagion outre-Atlantique. À cinq mois des élections présidentielles, ce serait une catastrophe pour l’hôte de la Maison Blanche. Idem pour Angela Merkel qui brigue un troisième mandat en 2013, mais qui est loin d’avoir le vent en poupe. La Chancelière allemande, qui depuis l’arrivée du socialiste François Hollande à l’Elysée, a dû desserrer le corset de l’austérité, vient d’évoquer l’idée d’une Europe à deux vitesses.

Berlin renoue ainsi avec sa marotte d’une union politique, quitte à laisser sur le côté ceux qui ne veulent (ou ne peuvent ?) pas suivre. Le sujet avait déjà été évoqué, il y a douze ans, au moment de la création de l’Euro, mais la France, trop jalouse de sa souveraineté, avait sabordé le plan allemand, d’autant que celui-ci visait à écarter des alliés de Paris : les pays du « club Med », aujourd’hui en difficulté… La proposition de Merkel revient comme un boomerang. Elle pourrait faire mouche. Car tout le monde sait que l’Euro sera sauvé par davantage de fédéralisme. Mais, dans un premier temps, ce dernier ne pourra inclure l’ensemble des élèves de la classe. L’Europe s’est toujours construite en cercles concentriques successifs.

En attendant, il y a urgence. Les dirigeants européens ne peuvent même pas tabler sur la création d’une union bancaire et l’introduction d’euro-obligations, sans doute amorcées lors du prochain sommet européen fin juin. Tout cela prendra trop de temps. Alors ? Il faudra encore mettre la main au portefeuille, actionner le Fonds européen de stabilité (FESF), désormais prêt à intervenir, et donner davantage d’ambition à son successeur, le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui devrait être lancé en juillet.

Quant à la Banque centrale européenne (BCE), acteur essentiel dans ce jeu, le journal milanais il Sole 24 Ore dévoilait, mercredi matin, que son président Mario Draghi pourrait annoncer une réforme imminente. Il ne l’a pas fait dans son discours attendu d’hier. Attentisme toujours ? Le feu gagne du terrain. Les marchés financiers s’impatientent en attendant les résultats des élections grecques à hauts risques, le 17 juin. L’Espagne chancelle. L’Italie boite. L’embrasement menace…

Thierry Denoël

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