Manifestation des étudiants en médecine devant le cabinet de Maggie De Block en mars dernier. © BELGA/Laurie Dieffembacq

Études de médecine: tous les reçus-collés seront-ils autorisés à s’inscrire?

Le Conseil d’Etat a suspendu mardi en extrême urgence les décisions de ne pas classer en ordre utile sept étudiants en médecine ayant présenté le concours organisé en fin de 1re bachelier, en juin dernier, a indiqué à Belga l’avocat des requérants, Jean Laurent. La Haute juridiction a estimé « qu’à défaut d’avoir fixé un contingentement fédéral pour 2022, le quota de la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles, ndlr) présentait des doutes sérieux quant à sa constitutionnalité ».

Les étudiants concernés sont autorisés à s’inscrire provisoirement en deuxième année. Deux questions préjudicielles sont posées à la Cour constitutionnelle pour vérifier la constitutionnalité de la limitation du nombre d’attestations de réussite délivrées en fin de première année de médecine.

L’Etat belge n’a en effet publié aucun arrêté royal fixant un quota de numéros Inami pour 2022. La Communauté française avait dès lors, dans un décret datant du 29 mars 2017, fixé le nombre d’attestations de réussite délivrées par les universités francophones en 2017. Et ainsi le nombre d’étudiants autorisés à passer en 2e année à l’issue du concours.

L’Université de Liège a obtenu 135 attestations, l’Université Catholique de Louvain 176, l’Université Libre de Bruxelles 123, l’Université de Mons 72 et l’Université de Namur 143, détaille le Conseil d’Etat dans son jugement. Au total, 649 attestations de réussite ont ainsi été délivrées.

Or, le nombre global d’attestations aurait dû être fixé en application de l’article 110 du décret paysage, qui impose qu’en l’absence de quota global, il faut reporter le nombre d’attestations de l’année académique 2015-2016, soit 605.

« En répartissant un nombre global d’attestations plus élevé (…), le législateur n’a pas seulement opéré une répartition », constate la Haute juridiction. « Il a également déterminé le nombre global d’attestations d’accès pour l’année académique 2016-2017. » Si limiter le nombre d’étudiants accédant à la suite des études en sciences médicales « peut constituer un objectif légitime, comme l’a décidé la Cour constitutionnelle » en 2014, « cet objectif ne paraît être justifié que si une limite est effectivement prévue par la réglementation fédérale », estime le Conseil d’Etat.

Le gouvernement fédéral a bien décidé, lors d’un Conseil des ministres en septembre 2016, de fixer un contingentement pour 2022 mais sa décision n’a pas été mise en oeuvre car aucun arrêté royal n’a été adopté. Aucun contingentement fédéral n’est imposé.

« Il existe donc un doute sérieux quant à la constitutionnalité de l’article 11 du décret du 29 mars 2017 (…) dès lors qu’il n’apparaît pas justifié de vouloir limiter, pour l’année académique 2016-2017, le nombre d’étudiants ayant accès à la suite du programme du cycle d’études en sciences médicales en raison d’un contingentement fédéral pour l’année 2022 alors que ce contingentement est inexistant », conclut le Conseil d’Etat.

Il ordonne dès lors aux universités des requérants et à la Fédération Wallonie-Bruxelles d’inscrire, à titre provisoire, dans l’attente d’une décision de la Cour constitutionnelle, les requérants en deuxième bachelier.

Des recours avaient également été introduits pour suspendre en extrême urgence des décisions d’échec à l’examen d’entrée, organisé en septembre dernier. Le Conseil d’Etat a rejeté ces recours car il a considéré qu’il n’existait pas de moyens sérieux pouvant mener à une annulation des décisions attaquées.

D’autres décisions sont attendues dans le courant de la semaine sur d’autres recours attaquant soit l’examen d’entrée, soit le concours de fin d’année, soit les deux.

Marcourt pointe la responsabilité du fédéral après l’arrêt du Conseil d’Etat

Le ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, Jean-Claude Marcourt (PS), a pointé mardi la responsabilité de l’Etat fédéral après l’arrêt du Conseil d’Etat autorisant 7 reçus-collés du 1er bachelier de médecine à s’inscrire provisoirement en bac 2.

« En omettant de déposer un arrêté royal qui fixe le contingentement (pour 2022, ndlr), le gouvernement MR-NVA provoque à nouveau une faille juridique au détriment de nos étudiants qui replongent dans l’incertitude », a réagi mardi le ministre dans un communiqué.

Celui-ci dit en conséquence demander aux universités concernées d’inscrire les étudiants qui ont lancé ce recours, et ce à titre provisoire dans l’attente de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle relative aux questions préjudicielles posées à ce sujet par le Conseil d’Etat.

Dans son communiqué, M. Marcourt dit également relever le fait que l’arrêt marque le rejet de l’ensemble des recours quant à la légalité de l’examen d’entrée aux études de médecine et dentisterie. « L’examen d’entrée n’est en effet pas remis en cause », se félicite-t-il dans son communiqué.

Durant l’été 2016, le Conseil d’Etat avait donné raison à plusieurs centaines de reçus-collés qui contestaient la validité de la première édition du concours organisé en fin de 1er bachelier.

Et à l’époque déjà, le Conseil d’Etat avait pointé le manquement du fédéral dans la justification du contingent de médecins pour 2021.

Le CIUM appelle Marcourt à laisser passer tous les reçus-collés

Le comité inter-universitaire des étudiants en médecine (CIUM) presse le ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt de laisser passer tous les reçus-collés après la décision rendue mardi par le Conseil d’Etat d’autoriser provisoirement sept reçus-collés à s’inscrire en 2 bachelier de médecine.

« Il ne faut pas discriminer le reste des étudiants (reçus-collés) simplement parce qu’ils n’ont pas introduit un recours, ou qui ne pouvaient pas se le permettre financièrement », plaide le CIUM dans un communiqué.

« Il s’agit d’étudiants ayant fait leurs épreuves puisqu’ils ont réussi leur première année de médecine », ajoute l’organisation estudiantine.

Pour elle, il serait contreproductif de priver la communauté française « d’une dernière grosse cohorte de médecins avant l’aggravation de la pénurie » de praticiens annoncée par d’aucuns pour les années à venir.

Le cdH demande lui aussi à Marcourt de laisser passer tous les reçus-collés

Après le comité inter-universitaire des étudiants en médecine, le cdH -toujours en majorité en Fédération Wallonie-Bruxelles- demande lui aussi au ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt (PS) de laisser passer tous les étudiants reçus-collés en 2e bachelier de médecine après l’arrêt du Conseil d’Etat rendu mardi à sept reçus-collés.

« Il ne peut y avoir de deux poids deux mesures, et donc nous demandons d’étendre cette décision à tous les autres étudiants reçus-collés qui sont dans la même situation, même s’ils n’ont pas introduit de recours », indique mardi soir le cdH par la voix de la députée fédérale Catherine Fonck.

Pour le parti centriste, il est impératif que ces reçus-collés, une fois autorisés à poursuivre en 2e bachelier, obtiennent un numéro Inami à l’issue de leurs six années d’études.

« Ils ne peuvent pas être pénalisés dans un second temps », insiste Mme Fonck qui dit avoir reçu la semaine passée en commission l’engagement de la ministre fédérale de la Santé que tous les diplômés en 2022 auraient bien leur numéro Inami.

La FEF demande l’autorisation d’inscription pour tous les reçus-collés

La fédération des étudiants francophones (FEF) demande elle aussi que tous les étudiants reçus-collés de médecine soient autorisés à s’inscrire en 2e bachelier après l’arrêt rendu mardi par le Conseil d’Etat au sujet de sept reçus-collés.

Pour la FEF, le constat de manquement posé par le Conseil d’Etat envers le Fédéral est la preuve de ce qu’elle dénonce depuis de longs mois, à savoir le fait que « la ministre Maggie De Block n’a pas rempli ses obligations en la matière ».

Aux yeux de l’organisation estudiantine, ce nouvel épisode démontre « à quel point les mécanismes de filtres mis en place au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles -sur injonction du fédéral- mettent les étudiants, et plus largement notre système de soins de santé, à mal ».

« Tant les étudiants en cours de cursus que les patients de demain sont, aujourd’hui, les victimes de politiques irresponsables », estime la FEF dans un communiqué.

Les deux autres organisations étudiants actives sur ce dossier, l’Unecof et le CIUM, ont elles aussi appelé le ministre de l’Enseignement supérieur à permettre à l’ensemble des reçus-collés de s’inscrire en 2e bachelier de médecine.

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