Gérald Papy
Etat palestinien à l’ONU : une demande légitime mais…
Le gouvernement belge votera en faveur du statut d’Etat observateur non-membre de la Palestine. Face à l’impasse du processus de paix et à la poursuite de la colonisation, l’initiative de Mahmoud Abbas est compréhensible. Même si elle va pourrir un peu plus les relations avec Israël dans un premier temps.
Ce soir, la Palestine accédera au rang d’ « Etat observateur non-membre » de l’Organisation des Nations unies. Cette reconnaissance incomplète d’un Etat palestinien est permise par le fait que ce statut partagé par le seul Vatican ne requiert pas l’aval du Conseil de sécurité où le veto des Etats-Unis le bloquerait mais est décerné par l’Assemblée générale où une majorité d’Etats s’y montre favorable.
Les opposants à cette initiative essentiellement symbolique de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (l’institution qui représente officiellement les Palestiniens mais qui, de facto, ne contrôle que la Cisjordanie et a dû abandonner le pouvoir dans la Bande de Gaza au mouvement islamiste Hamas), arguent que la reconnaissance d’un Etat palestinien, ou toute étape en ce sens, ne peut être envisagée sans accord de paix préalable. Cette position défendue au premier chef par les Etats-Unis est pertinente dans l’absolu : tout acte unilatéral handicape le processus de paix. Elle ne résiste cependant pas à l’évolution des relations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Car, en termes de politique unilatérale pourtant proscrite par les accords de paix d’Oslo de 1993, Israël n’a pas été en reste. Depuis cette date et sous tous les gouvernements de droite et de gauche, la colonisation n’a jamais connu de répit en Cisjordanie : de 110 000 en 1993, le nombre de colons a grimpé à quelque 310 000 aujourd’hui. Au point que Barack Obama, qui en avait fait un préalable à la reprise des négociations de paix au début de son premier mandat, a dû lamentablement y renoncer.
Dans ces conditions et devant l’impasse dans laquelle est plongé le processus de paix depuis septembre 2010 voire au-delà, la réaction des Palestiniens est compréhensible et légitime. Comment leur reprocher de vouloir réveiller les consciences face à un conflit qui, comme le titrait début octobre (avant la poussée de fièvre entre Hamas et Israël à Gaza) une chronique d’Alain Frachon dans le quotidien Le Monde, « a disparu » de la « une » des médias et surtout des préoccupations des dirigeants des grandes puissances ? Un conflit « relégué au rang d’affaire secondaire, subalterne, pour ne pas dire réglée ». Pour les Palestiniens, ce statu quo délétère est d’autant plus douloureusement ressenti que les « printemps arabes », malgré les incertitudes qu’ils soulèvent, ont démontré qu’un changement était possible dans la région. L’initiative de Mahmoud Abbas n’est pas sans risque. Israël et les Etats-Unis ont clairement menacé les Palestiniens de mesures de rétorsion : des coupes dans les subventions et aides dues ou octroyées à l’Autorité palestinienne.
Il y a quarante ans, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) recourait au terrorisme pour faire entendre ses revendications. Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne choisit le cénacle des Nations unies pour rappeler l’urgence d’un règlement de ce trop vieux conflit. C’est hautement préférable même si l’attitude des Palestiniens, par leurs divisions internes, par le radicalisme des uns (le Hamas et les groupes islamistes) et le manque de réalisme des autres (sur le droit de retour des réfugiés, par ex.), est aussi éminemment critiquable.
C’est sans doute en pesant soigneusement le pour et le contre que la Belgique s’est décidée, jeudi matin, à voter en faveur du statut d’Etat observateur non-membre de la Palestine à l’ONU.
L’accouchement apparemment un peu douloureux de cette décision ne s’explique pas seulement par la volonté affichée et rappelée ce matin par le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) de forger un consensus au niveau de l’Union européenne. Des dissensions entre une frange naturellement plus pro-palestinienne du gouvernement (PS-SP.A) et une autre plus sensible aux arguments d’Israël (Open VLD-MR) ont sans doute retardé un peu la prise de position. Elles justifient aussi l’appel à une reprise des négociations sans condition que lancera l’ambassadeur de Belgique à l’Onu au moment du vote. Une perspective qui, malgré l’engagement similaire de Mahmoud Abbas, a peu de chance de se concrétiser à court terme. L’histoire dira si le coup d’éclat de ce jeudi l’a facilitée à moyen terme.
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