La rédaction du Vif

Et si la Belgique s’engageait vraiment au Mali ?

Parce que son armée mérite mieux que la navrante réputation que lui font nos décideurs politiques.

Ce fut l’honneur du gouvernement belge de ne pas s’être embarqué dans l’aventure militaire irakienne de George W. Bush. La suite des événements donna d’ailleurs raison à la réserve belge. Par contre, ce fut le déshonneur de la Belgique (et de l’ONU) de quitter précipitamment le Rwanda après le massacre de ses paras. Abandonnant les tutsis (et hutus modérés) aux machettes des milices Interahamwe. Et donnant ainsi la dangereuse impression qu’il suffit de tuer quelques Casques bleus désarmés pour qu’immédiatement la Belgique (et l’ONU) fuie ses responsabilités.

Il semblerait que, depuis, le gouvernement belge ose encore moins envoyer ses soldats dans des situations à risque élevé ou des zones de combat. Tout se passe comme si l’on voulait qu’aucun de nos militaires ne risque sa vie et surtout qu’ils ne tuent pas d’ennemis. Un peu comme si l’on demandait aux pompiers de ne pas intervenir dans les incendies trop dangereux, pour ne pas faire de dégâts avec leurs lances à eau et surtout ne jamais perdre la vie.

Si l’on poursuit ce raisonnement jusqu’au bout, il est préférable de purement et simplement supprimer l’armée belge. Ou de la transformer en un service de protection civile se limitant à l’aide logistique et au support médical. C’est une option intelligente qui mérite d’être débattue.

Ce fut d’ailleurs la logique de plusieurs missions belges basées essentiellement sur le déminage, la logistique, la défense passive et l’aide médicale. Cela semble être le raisonnement suivi au Mali où la Belgique a (très) timidement envoyé deux (vieux) avions de transport et promis un vague support logistico-médical. Je ne peux ici développer les arguments en faveur ou en défaveur d’une intervention militaire au nord du Mali. Mais il me semble que : soit on croit la cause juste et il faut dès lors y participer pleinement. Soit on estime la cause injuste et il ne faut pas y aller du tout. Mais je trouve honteuses pour la Belgique ces minuscules demi-mesures. Elles me semblent le triste reflet d’une certaine « médiocritude » belge que je dénonçais déjà précédemment dans cette chronique à propos du sport national.

Or l’armée belge mérite beaucoup mieux que la navrante réputation que lui font les décideurs politiques. Elle possède des forces spéciales motivées et surentraînées. Les paras-commandos belges suivent un des entraînements les plus exigeants au monde. Nos chasseurs ardennais ont une tradition de combativité méritée. A quoi cela nous sert-il si nous ne les utilisons jamais ce pourquoi ils ont été formés ? Renvoyons alors nos soldats armés à la vie civile et engageons seulement des infirmières et des humanitaires désarmés.

La psychologie humaine est ainsi faite qu’une défense armée n’a de sens que si les ennemis potentiels savent que nous osons l’utiliser pour une juste cause. Si l’on croit en cela, il convient alors d’intervenir avec circonspection dans des guerres forcément sales et compliquées. Peser prudemment et sereinement le pour et le contre. Réfléchir à des objectifs clairs et des missions précises. Et lorsque la décision est prise, intervenir (si nécessaire) militairement avec de vraies forces combattantes autorisées à… combattre, à tuer et être tuées… J’écris cela en pleine conscience et en songeant à mon propre fils engagé en ce moment dans une unité dite « combattante » de l’armée belge. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

Pascale De Sutter, psychologue politique

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