Thierry Denoël

Et si Didier Bellens avait raison ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Quel bourdon a piqué le patron de Belgacom pour le rendre aussi agressif et trivial (« fuck you ») à l’encontre du gouvernement ? Le tollé suscité chez les politiques est à la hauteur de la provocation. Et si Bellens n’avait pas tort de fustiger l’Etat tueur d’entreprises ?

« Inacceptable », s’est étranglée Laurette Onkelinx (PS). « Nous aurons une discussion virile », a promis le nouveau ministre Jean-Pascal Labille (PS). « Etonnée et fâchée », la Bruxelloise Evelyne Huytebroeck (Ecolo). « Une généralisation grotesque », a commenté le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V), profitant de l’aubaine pour suggérer une régionalisation de Belgacom. Eh bien, dites donc. Il faut vraiment avoir sorti une énormité pour indigner à ce point nos gouvernants.

Hier mardi, lors de la présentation de ses voeux, Didier Bellens a, en effet, dégainé la grosse artillerie. « La Belgique est connue à l’étranger pour la façon dont elle tue ses entreprises », a-t-il lancé sans nuances, en s’appuyant sur la fermeture de Ford Genk et les restructurations annoncées chez Arcelor. Evoquant plus spécifiquement le domaine dont il s’occupe, il a fustigé la nouvelle loi télécom « trop restrictive » et les mesures qui, pour des raisons sanitaires, interdisent l’implantation d’un réseau 4G à Bruxelles (dix fois plus rapide que le standard technologique 3G): « Ce n’est pas à la côte belge que l’on utilisera le plus la 4G mais à Bruxelles, l’endroit au monde où l’on compte le plus d’ambassades. Et que dit la Région bruxelloise à ses ambassades ? Fuck you ! », a déclaré le patron à la houppe.

Violent. Shocking. Démesuré. Le boss de Belgacom est sorti du rail. Son coup de gueule calculé laisse perplexe. Tueuse d’entreprises, la Belgique ? Elle qui offre le système des intérêts notionnels sans contrepartie au niveau de l’emploi ? Elle qui a décidé de geler les salaires pendant au moins deux ans. Elle qui ne taxe pas les plus-values sur action ? Elle qui permet de déduire les revenus définitivement taxés, autant de mesures qui font que les entreprises les plus bénéficiaires (au moins 10 millions d’euros) payent moins de 6 % d’impôt ?

La grande majorité des patrons belges considèrent pourtant que la Belgique n’est pas un paradis fiscal et qu’on fait surtout la part belle aux entreprises étrangères. Par ailleurs, on dénombre 126 procédures de licenciements collectifs en Belgique l’année dernière, soit vingt de plus qu’en 2011. La situation de l’emploi s’est fortement dégradée dans le secteur industriel (ArcelorMittal, For Genk, Duferco, Bekaert, Carsid…). Les économistes déplorent aussi la très faible création d’entreprises belges. La vision industrielle est inexistante chez nous, comme le dit encore Philipe Ledent économiste chez ING, dans L’Echo de ce mercredi.

Quant à la couverture GSM à Bruxelles, les dirigeants de Belgacom entendent très souvent les politiques et patrons d’administration se plaindre de la faiblesse du réseau, qui les empêche de téléphoner comme ils le souhaitent. Ce sont les mêmes qui votent des lois restrictives et imposent à Belgacom des investissements pour installer sur les bâtiments publics des « répéteurs » permettant de mieux transmettre le signal des antennes GSM. Didier Bellens est peut-être maladroit, voire grossier, mais a-t-il complètement tort ?

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