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Esmeralda de Belgique : « Tant de légendes courent encore sur ma mère »

Le Vif

Trente ans après la mort de Léopold III, des émissions de télé et des ouvrages donnent une image plus humaine du roi maudit et de la princesse Lilian, sa seconde épouse. Depuis plus de dix ans, la fille cadette du roi et Lilian défend la mémoire de ses parents, victimes, selon elle, de « préjugés ». Esmeralda de Belgique se confie au Vif/L’Express.

Le 25 septembre 2013, cela fera trente ans qu’est décédé Léopold III, le 4e roi des Belges et le seul à avoir abdiqué à ce jour. Une littérature abondante a fait revivre et a tenté d’expliquer les heures critiques du règne : la mort de la reine Astrid, la politique d’indépendance, l’invasion nazie, la rupture du roi avec ses ministres, la capitulation et l’accusation de trahison lancée par Paris et Londres, la rencontre de Léopold avec Hitler à Berchtesgaden, les quatre années de captivité à Laeken, le remariage controversé du roi prisonnier avec Lilian de Rhéty, la déportation de la famille royale en 1944, la question royale qui a déchiré le pays pendant sept ans. Sa fille, la princesse Esmeralda, demi-soeur d’Albert II, s’exprime dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Extraits.

Le Vif/L’Express :De nombreux ouvrages et documentaires ont été consacrés à Léopold III, chef d’Etat dans la tourmente, et à sa seconde épouse, mal aimée des Belges. N’a-t-on pas tout dit sur vos parents ?

Esmeralda de Belgique : Je ne le pense pas. Il y a encore beaucoup à découvrir, notamment dans la correspondance de mon père. Tout au long d’une vie commune de quarante-deux ans, mes parents n’ont cessé de s’écrire. Lors des séparations liées à l’exil ou aux voyages lointains de mon père, la passion épistolaire permettait d’affronter les absences. Ils s’échangeaient même des lettres quand ils étaient tous deux à la maison. D’autres écrits du roi se trouvent dans les archives du Palais.

Vous êtes l’auteure de Léopold III, mon père et, avec Patrick Weber, de Lilian, une princesse entre ombre et lumière. Vous avez aussi participé étroitement aux documentaires consacrés à vos parents. Une entreprise de réhabilitation ?

Le mot est sans doute trop fort pour mon père, qui n’a pas besoin d’une réhabilitation. J’essaie plutôt, pour les générations futures, d’éclairer, de compléter ce que l’on sait sur lui. Je veux montrer que l’homme derrière le roi avait de nombreuses facettes. Pour ma mère, le terme de « réhabilitation » convient mieux. Elle a été attaquée avec plus de violence que le roi. En tant que souverain et personnage de l’Histoire, mon père peut être jugé, critiqué pour son action. Lilian Baels, elle, voit son destin scellé le 11 septembre 1941, le jour où elle épouse l’homme de sa vie. Elle vient après la regrettée reine Astrid et sait qu’elle ne pourra jamais se mesurer à cette icône. Elle sera qualifiée d’intrigante, de calculatrice. Nombreux sont ceux qui ont excusé le comportement du roi pendant la guerre en accablant sa nouvelle épouse.

Pendant les dix années passées à Laeken, de 1950 à 1960, année de l’arrivée de Fabiola et de l’exil de vos parents à Argenteuil, Lilian a été presque reine. Quel rôle joue-t-elle alors ?
Avec son physique de star hollywoodienne, genre Ava Gardner, elle apporte une touche de glamour à une monarchie qui en est dépourvue. Monté sur le trône après l’abdication de Léopold III, Baudouin apparaît dans l’opinion comme un roi triste. Un jeune homme qui doit supporter la présence du personnel politique qui a combattu son père et vilipendé sa belle-mère, qu’il adore. Les détracteurs de Lilian s’en prennent à son goût pour la mode, à son rôle supposé d’intrigante auprès du roi, et, bien sûr, de conseillère occulte auprès de son beau-fils Baudouin.

Le temps est-il venu de reconsidérer le rôle de Léopold III et de la princesse de Réthy dans l’Histoire ?

Les protagonistes des événements des années 1940-1950 ont presque tous disparu. Les controverses se sont apaisées. On analyse le passé avec plus de sérénité. Les ouvrages et documentaires sur Léopold et Lilian font apparaître des portraits dégagés des clichés. Mais il faut du temps.

Entretien : Olivier Rogeau

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