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Eric Van Rompuy : « Les francophones doivent avoir peur ! »

Dans une interview au Vif/L’Express de cette semaine, le député député-échevin (CD&V) de Zaventem est épouvanté par l’aveuglement francophone devant la menace N-VA dont il ne voit pas la fin d’ici 2014. Et il se dit ulcéré par l’immobilisme socialiste persistant. Florilège.

Le Vif/L’Express : Depuis les communales, la fonction d’échevin aux Affaires flamandes semble promise à un bel avenir dans une Flandre locale sous l’emprise de la N-VA. Alost et d’autres communes flamandes adoptent le concept. L’appellation vous dérange ?

Eric van Rompuy : Je la trouve malvenue, à la limite ridicule. Cela revient à dire que nous pratiquons une politique linguistique inamicale. En déployant un grand drapeau flamand à la gare d’Alost, en apposant des petits lions flamands sur les plaques de rue, on donne la fausse impression que tout Alost est devenu francophone. C’est une approche totalement défensive et abusive.

Malheur à ceux qui ne suivront pas la voie tracée par la N-VA?

Les communes qui ne désignent pas un échevin aux Affaires flamandes passent pour de mauvaises élèves de la classe flamande, presque pour des traîtres. La N-VA va tenter de les discréditer. Elle montre du doigt Zaventem, qualifiée d’amie des francophones. Alors que la commune est néerlandophone sans facilités. Et sans concessions sur ce plan. Je suis considéré comme un flamingant pur et dur par les francophones, dépeint comme un violeur de droits de l’homme ou un raciste. Mais en Flandre, je deviens un traître, parce que je m’oppose à la création d’un service où les gens peuvent dénoncer de prétendues atteintes au caractère flamand des communes.

Qu’a changé la scission de BHV ?

Rien sur le terrain. Les habitants de longue date des communes flamandes autour de Bruxelles ne font pas la distinction entre nouveaux Belges et francophones. « Notre commune n’est plus la nôtre, elle ne nous appartient plus » : voilà ce qu’ils ressentent quand, partout, au magasin, autour du terrain de foot, ils n’entendent plus parler néerlandais. Cette scission n’a rien réglé ni pacifié. Pourtant, j’y ai cru au début. Mais ni la N-VA ni le FDF ne l’acceptent, ce qui mène à la radicalisation. C’est la N-VA qui a raflé le bonus. Et c’est ce qui est à nouveau en train de se passer sur le terrain socio-économique. Lors de la longue confection du dernier budget, je croyais entendre Georges Debunne (NDLR : le puissant patron de la FGTB dans les années 1970-1980, surnommé « monsieur Niet » en raison de son intransigeance), quand j’entendais la vice-Première PS Onkelinx continuer à dire devant les caméras: « Pas de saut d’index, pas de ceci, pas de cela, il faut taxer les hauts revenus, etc. » La Belgique retrouvait la logique de la FGTB des années 1980 ! Ce pays ne peut pas être géré par un parti de gauche dominant en Wallonie. Ce discours de gauche, c’est du bonus pour la N-VA.

Faut-il toujours donner raison à Bart De Wever et à la N-VA ?

Non. Mais si De Wever poursuit sur sa lancée, en 2014 (NDLR : année des élections fédérales, régionales et européennes) il sera en mesure de former un gouvernement flamand et de bloquer le niveau fédéral. Il mettra alors le confédéralisme sur la table. Ce qui veut dire pour lui : scission de la Sécurité sociale, de la dette, des impôts. On n’arrêtera Bart De Wever que par des résultats.

La sixième réforme de l’Etat en cours, le transfert massif de compétences, la nouvelle loi de financement, la réforme des pensions, l’accès plus restrictif à la nationalité belge : ce ne sont pas des résultats ?

Je ne dis pas le contraire. Sauf que pour Bart De Wever, cette réforme de l’Etat est une pure perte de temps. 17 milliards de compétences transférées aux Régions ? Peanuts ! Autonomie fiscale doublée ? Peanuts ! Voilà ce qu’il proclame. Nous avons frôlé le séparatisme en 2010-2011. 2014 risque de faire mal. Face à une N-VA incontournable, Di Rupo et le PS recommenceront-ils alors le cinéma de deux ans d’immobilisme pour ce pays.

Connaissant les francophones, je ne suis pas sûr qu’ils se rendent compte à quel point les partis flamands traditionnels sont politiquement de plus en plus marginalisés. A quel point le CD&V, l’Open VLD, le SP.A, sont sur la défensive sur les plans communautaire et socio-économique. Mon parti lutte pour sa survie, nous vivons une période très, très difficile. Tout le monde est pris en otage par la N-VA. Et croire que son état de grâce aura disparu d’ici 2014 est une illusion totale.

Vous aimez faire peur aux francophones ?

Mais ils doivent avoir peur ! Il est encore possible de renverser la vapeur. Mais je ne suis pas optimiste du tout.

Entretien : Pierre Havaux

L’interview intégrale dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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