Jean-Marc Damry

Epargne : le capital coopératif est-il l’issue de secours ?

Jean-Marc Damry Rédacteur au Vif L'Express

Pas moins de 260 milliards d’euros végètent aujourd’hui sur les livrets d’épargne de nos concitoyens. C’est là un montant hallucinant car il représente à lui seul l’équivalent de 2/3 du PIB de la Belgique. Que d’oeufs dans le même panier

Mais ces livrets, si chouchoutés par les épargnants belges, ne rapportent pour ainsi dire plus rien. BNP Paribas Fortis, ING et Belfius ont ramené le taux de base sur leurs livrets d’épargne à 0,05 % l’an. Autrement dit, un avoir de 100.000 € ne rapporte plus aujourd’hui que 50 € d’intérêts par an (hors prime de fidélité). Bref, des clopinettes ! Ils sont donc bien loin ces temps bénis où, comme en 1991, ils pouvaient obtenir un rendement de 9.000 € sur ce même montant placé sur un livret ouvert au Crédit Lyonnais Belgium…

Et pour les retraités qui comptaient sur les revenus de la petite épargne accumulée durant toute leur vie professionnelle, il leur faut malheureusement déchanter, grandement déchanter. En effet, comment encore mettre un peu de beurre dans les épinards du ménage quand 100.000 € placés sur un livret ne rapportent plus que l’équivalent de 4,16 euros par mois alors que, jadis, ils pouvaient en générer 750 sur la même période ?

Face à des rendements aussi faibles, les commerciaux des banques mettent en avant d’autres produits d’épargne, comme des fonds investis en actions et/ou en obligations. Mais avant d’escompter le moindre euro-cent de rendement, l’entrée dans ces produits passe cependant d’abord par le paiement de droits d’entrée qui, dans les faits, ont les mêmes effets qu’un impôt sur le capital : une amputation des avoirs qui se compte en pourcents. Sans compter les frais de gestion, voir des frais de garde quand il ne s’agit pas de produits « maison »…

Si en Belgique tant de milliards sont parqués sur les livrets d’épargne, c’est AUSSI parce que nos concitoyens ont plus la vocation à épargner qu’à spéculer. A voir leur argent financer l’économie réelle plutôt qu’à alimenter les bulles spéculatives. Certains l’ont compris, à l’image voici peu de Luminus. Cet opérateur du secteur électrique vient de porter sur les fonts baptismaux la coopérative EDF-Luminus Wind Together. Une fois le dossier validé par la FSMA (le mois prochain, normalement), cette nouvelle coopérative proposera à tout un chacun d’acquérir des parts de coopérateur. Avec l’argent ainsi récolté, la coopérative rachètera les parcs à éoliennes de Berloz et de Tessenderlo. Les détenteurs de ces parts verront donc concrètement à quoi sert leur argent et on imagine mal que leur petit investissement (125 € par part) leur rapporte moins que les 0,05 % offerts sur les livrets d’épargne.

Un autre exemple ? L’an dernier, c’est par le biais d’une opération de « capital coopératif » que les petits épargnant belges ont pu racheter à la galaxie du Crédit Agricole français les 50 % qu’ils détenaient dans la banque Crelan. Depuis, cette dernière est dans les faits détenue à 100 % par deux coopératives belges, elles mêmes aux mains d’une foule de petits épargnants en personne physique. D’aucuns objecteront cependant que le modèle de « capital coopératif » était pourtant celui-là même qui avait fait le succès d’Arco, aujourd’hui en liquidation en raison de la débâcle de Dexia ? Certes, mais de grâce, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Si Arco s’est royalement plantée, ce n’est pas en raison du modèle coopératif lui-même mais parce que certains de leurs dirigeants ont probablement fini par confondre conseil d’administration et conseil d’admiration. Aveuglés par les profits faciles de Dexia, ils n’ont pas vraiment vu venir la crise des subprimes, pas plus l’assèchement du marché interbancaire qui a été fatal à Dexia….

Le dossier « La coopérative comme alternative au livret ? » dans Le Vif-L’Express de cette année

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