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Entretien avec « The Machine », quadruple champion du monde à FIFA et PES

Le Vif

Vous pensiez faire les malins en ayant battu votre petit frère ou vos amis lors de votre dernier tournoi ? Essayez plutôt de défier Bruce Grannec joueur professionnel virtuel et plus beau palmarès en matière de jeu de foot. Rencontre dans la ville lumière avec ce surdoué de la manette. Par Jacques Besnard

Vendredi, 14 heures, dans le hall d’une chaîne de télévision parisienne spécialisée dans le sport. « Il est en plateau, il va bientôt arriver ». Qui ? Un champion du monde mesdames et messieurs.

Quatre titres planétaires, deux fois vice-champion, le plus beau palmarès de sa spécialité. Mieux que Zidane, Pelé ou encore Maradona. Son nom: Bruce Grannec. Sa profession: joueur professionnel de foot… virtuel.

Des tournois à 150 000 dollars

Comme de nombreux mordus, Bruce a commencé à jouer très tôt au ballon rond sur console, d’abord avec le jeu World Cup sur Nintendo. La manette n’avait que deux boutons et le ballon se transformait en crêpe comme dans le dessin animé Olive et Tom. « Il n’y avait que deux façons de marquer, en tirant du milieu de terrain ou en faisant des retournés », plaisante-t-il. Pas de vrais joueurs, pas les clubs, toujours le même stade… Loin, très loin de ce qui peut se faire aujourd’hui.

Les années passent et la passion de Bruce ne s’étiole pas. Au contraire. Le Parisien n’a que 16 ans lorsqu’il décide de s’inscrire à un tournoi de Pro Evolution Soccer (PES), l’une des deux principales simulations de football avec le jeu FIFA. La meilleure à l’époque. « Sur le jeu PES 4, il était possible de jouer en ligne. j’ai obtenu des bons résultats. Avant, je ne jouais qu’avec mes potes. Ça m’a donné une idée de mon niveau. Des joueurs sur internet m’ont alors dit :  »Tu gagnes des matchs. Pourquoi n’essayerais-tu pas un tournoi en vrai ? » Ils m’ont poussé à essayer et j’ai foncé. »

A raison. Bruce remporte la première compétition à laquelle il participe en 2005. Un an plus tard, il s’adjuge la coupe de France et est sacré mondialement à seulement 17 ans. Il empoche par la même occasion 20 000 dollars de prize money. Une somme qui a de quoi faire tourner la tête d’un jeune ado mais pas celle de Spank selon ses dires. « J’ai très vite vécu de ma passion mais ça ne m’a en tout cas pas empêché d’aller en cours et de faire des études. Mon salaire dépendait de mes victoires dans les tournois et c’était quand même aléatoire. Après il y a des tournois où tu peux gagner 150 000 dollars mais ceux-là, je n’ai pas eu la chance de les gagner », explique le jeune homme titulaire d’un baccalauréat et d’un diplôme en informatique.

Une heure de jeu par jour

Depuis trois ans, les revenus de Bruce et de nombreux joueurs virtuels n’émanent plus principalement de gains en tournois mais de tous les à-côtés. Les médias et les marques s’intéressant de très près aux as du foot virtuel qui multiplient les contrats. « L’image des jeux vidéo et des geeks a évolué. Ceux qui critiquent, sans fondements, les jeux vidéo se font désormais tailler. J’ai des sponsors, je fais des tutoriaux sur ma chaîne Youtube et pour une marque de boisson, j’ai fait des prestations pour un grand groupe français, j’ai écrit un livre de conseils, je participe à des matchs dans toute la France pour une marque de distribution…  »

Bruce a aussi un agent qui gère d’autres joueurs virtuels et toutes ces activités lui assurent désormais un revenu stable. « C’est moins stressant mais bon je gagne quand même beaucoup moins qu’un joueur de foot. » Ce surdoué passe également moins de temps sur la console. Une heure par jour en moyenne sauf avant les gros tournois. « Certains jouent plus mais moi, après certains matchs, je suis saoulé, je joue mal. Je fonctionne par envie. Les semaines avant la compétition, on joue avec des amis que j’ai connus sur le circuit, que des matchs. On essaye des tactiques et différents styles de jeu. »

S’il fait du sport, deux à trois fois par semaine et par passion, Bruce n’a pas de régime alimentaire particulier à tenir ou d’entraînements physiques à respecter. La clé pour percer, selon lui, c’est le mental. Et il en faut quand on sait qu’une finale de championnats du monde se joue devant près de 10 000 personnes et des dizaines de milliers d’autres connectés en streaming. « La première année, j’avais échoué par manque d’expérience. Arrivé à un certain niveau, c’est ça qui fait la différence. » Bruce a les nerfs solides. Il est d’ailleurs surnommé « The Machine » par ses adversaires « car je ne montre pas trop ce que je ressens. »

Invité au Ballon d’or

Après dix ans sur le circuit, et même s’il n’a plus forcément la fougue de ses 17 ans, le joueur français affirme être toujours motivé par la compétition mais sait pertinemment bien qu’un jour, il faudra raccrocher la manette. « Le niveau est de plus en plus fort. Les joueurs plus nombreux, les jeunes jouent beaucoup. Il y a bien un jour où je vais perdre mon niveau. »

Quand l’heure de la retraite sonnera, le Parisien entend rester dans le milieu et notamment chez Electronic Arts qui commercialise le jeu. « Je vais plusieurs fois par an à Toronto pour tester le jeu avant sa sortie afin de leur donner des conseils. J’aimerais pourquoi pas les aider à développer le jeu. » Avant cela, Bruce a encore quelques beaux défis à relever et surtout d’incroyables moments à vivre. Depuis ses débuts, il a eu l’opportunité de rencontrer pas mal de ses idoles. « J’ai été invité au Ballon d’or avec Cristiano Ronaldo, Messi, Pelé, Zidane. On était en petit comité, j’ai pu parler avec eux… C’était mortel. »

Le champion du monde a également affronté pas mal de personnalités. Des joueurs de l’équipe de France de tennis, en passant par Karim Benzema, Blaise Matuidi ou le journaliste sportif Pierre Ménès. Le meilleur ? Romain Danzé, le capitaine du Stade Rennais.  » Il m’avait vraiment surpris. Il m’avait même battu… » Et vous ?

Documentaire sur Bruce Grannec

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5 conseils de Bruce pour battre tes copains

  • Une équipe: le Real Madrid.
  • Une formation: le 4-2-3-1 à la Mourinho. Je m’intéresse beaucoup à la tactique. Au milieu, je mets, comme lui, un joueur qui décroche et un autre plus offensif, créatif à côté.
  • Un joueur : Cristiano Ronaldo. C’est le meilleur joueur du jeu pour moi. Il est grand, il est rapide, il a les deux pieds. Les qualités principales d’un joueur dans un jeu, ce sont je pense la vitesse et la puissance même si c’est de moins en moins vrai. Un joueur comme Xabi Alonso est plus important qu’avant. Ça prouve que le jeu est plus réaliste.
  • Une stratégie: Je conseille de choisir une mentalité défensive. Dans ce cas, les latéraux montent moins et on se retrouve moins en difficulté en défense, on est solide. J’opte aussi pour la contre-attaque car quand on récupère la balle, les joueurs vont se projeter très rapidement vers l’avant. Evidemment, avec des joueurs comme Cristiano Ronaldo ou Gareth Bale ça va très vite. C’est ultra efficace.
  • Un poste clé : le buteur. Il faut qu’il soit complet et qu’il soit capable de marquer des deux pieds et de la tête. Je ne conseille donc pas de mettre Messi, ce n’est pas le top. En revanche, une équipe qui compte Ronaldo ou Diego Costa en pointe, ça fait mal…

Les Diables rouges ? « Je les prends régulièrement »

Quand on lui parle du football belge, pour savoir s’il a déjà fait des parties endiablées avec des équipes de la Jupiler League, genre un Courtrai-Ostende, Bruce est poli : « J’ai déjà joué avec Anderlecht, peut-être, mais pas plus que ça », répond-il pas très convaincant. « Les Diables rouges, par contre, je les ai déjà pris c’est clair. » Parmi les joueurs belges qui ont la cote auprès du Français, Eden Hazard « qui est sur la jaquette », Romelu Lukaku et Vince the Prince alias Vincent Kompany. « Vous avez une très grosse équipe. »

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