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Enseignement : comment déjouer le décret Inscriptions

Des parents tentent d’obtenir l’école de leur choix par des stratégies, parfois coûteuses, voire des tricheries. Apparemment, ce n’est pas si facile et il faut s’y prendre tôt.

Quelle école ? Ces jours-ci, les parents ont reçu le formulaire fatidique : ils doivent y inscrire leurs v£ux pour l’entrée en 1re secondaire de leurs enfants. Ils peuvent formuler jusqu’à 10 choix, par ordre de préférence, et devront attendre le 23 mars au plus tôt pour savoir où leur progéniture a été acceptée. Certains dépensent des trésors d’énergie pour obtenir la « bonne » école, jusqu’à franchir la ligne jaune, encouragés parfois par des chefs d’établissement. On les appelle des « choosers » : bons connaisseurs du système, ils cherchent à combiner les critères et parvenir à accumuler des « points » qui peuvent faire la différence. Chez la ministre Simonet, on n’ignore pas qu’il existe des effets pervers au décret, mais on ne veut pas les exagérer. « Ils ne sont qu’une poignée. » Sans doute, et ces « tuyautés » sont surtout des Bruxellois ou des habitants du Brabant wallon scolarisant leurs enfants à Bruxelles, où les « bonnes » places, disent-ils, sont plus rares.

Jusqu’où sont-ils prêts à aller ? D’abord, ils voient loin. Car leurs stratégies impliquent de l’anticipation et parfois des relations qui ne sont pas à la disposition de tous. Voici leurs stratégies.

1. S’INSCRIRE DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE LA PLUS PROCHE POSSIBLE DE L’ÉTABLISSEMENT SECONDAIRE VISÉ

La distance entre le domicile et l’école primaire est le critère qui pèse le plus. Les choosers y sont donc attentifs et s’occupent tôt de préparer la trajectoire scolaire de leurs enfants. La mère de Valentine en fait partie. Pour être plus sûre de décrocher une « bonne » place dans le secondaire, au nord de Bruxelles, elle vient d’inscrire sa fille en 5e primaire dans le collège coté proche de chez elle. Jusqu’ici, sa gamine fréquentait une école publique populaire. « J’ai franchi un nouveau pas en l’inscrivant dans le réseau catholique », confesse cette laïque, fonctionnaire et fille de profs. L’inscription en primaire échappe au décret. Alléluia ! On s’inscrit directement. S’il y a une liste d’attente ? La mère de Valentine, elle, connaissait un ami du directeur. Bingo : l’école secondaire se situe en plus sur le même site que l’école primaire. Ce qui lui fait encore gagner des points.

Problème : il faut habiter près d’une « bonne » école primaire « accolée » à une « bonne » école secondaire, dans l’espoir que la petite y fasse tout son cursus. Miser plutôt sur une école primaire partenaire d’une école secondaire : le partenariat, « appelé à se développer dès 2013 » selon le cabinet, offrira un bonus intéressant. C’est le choix de la mère de Valentine. Bingo encore : elle décrochera un bonus supplémentaire.

2. USER D’UNE « ACCOMMODATION ADRESS »

Certains parents se domicilient fictivement près d’une école secondaire visée. En effet, la proximité entre le logement et l’école secondaire est le second critère qui pèse le plus. Les plus scrupuleux y pensent plusieurs mois avant l’inscription de leur enfant : le père, par exemple, quitte le foyer, inventant un divorce, et se domicilie officiellement dans la zone de l’école visée. Les « jeunes » divorcés n’auront plus qu’à donner la meilleure de leurs deux adresses, sélectionnée pour ce faire dans le « bon » secteur ( NDLR : le décret autorise les parents séparés à choisir une de leurs deux adresses, si cela leur est favorable). Ainsi un chef d’établissement confie que 10 % des adresses des élèves en 1re secondaire sont bidon : « Ce sont ceux qui ont les moyens qui utilisent l’adresse de leur commerce ou de leur cabinet situés à proximité de notre établissement, voire qui louent quelque temps un petit appartement. » Une fois dans les lieux, le père « se réconcilie » avec son ex.

Beaucoup plus efficace : la fausse domiciliation chez une s£ur, un cousin, une amie habitant près de l’école secondaire recherchée et qui y a ses enfants scolarisés. Cette technique permet d’invoquer le critère prioritaire de fratrie ( NDLR : la fratrie est définie comme « les frères et s£urs ou tout autre enfant mineur ou majeur résidant sous le même toit »). « Nous avons expliqué que nous élevions nos enfants ensemble, je n’ai pas eu le moindre souci, il y a tellement de familles éclatées », note le père de Victor qui « habite » chez une amie célibataire et qui a ses enfants inscrits dans le lycée souhaité par Alain. La brèche ouverte, les frères de Victor n’auront plus qu’à s’y glisser.

Problème : technique complexe. Il faut trouver une adresse hospitalière ou mobiliser des fonds importants. La supercherie des faux divorcés peut être efficace seulement si l’école primaire dans laquelle est scolarisé l’enfant se situe également à proximité de l’école secondaire : en effet, si vous optez pour cette fraude, votre fausse adresse vaut aussi pour la distance avec l’école primaire.

3. S’APPUYER SUR DES MOTIFS EXCEPTIONNELS

C’est la force majeure, que le parent va plaider auprès de la commission des inscriptions (Ciri). Cette dernière, composée de représentants du cabinet, du ministère, des pouvoirs organisateurs, des syndicats, et des associations de parents, examine au cas par cas. Ses avis positifs sont accordés au compte-gouttes : en 2011, 366 requêtes ont atterri sur son bureau, 80 dossiers ont été acceptés. Les chiffres témoignent que pour tirer son épingle du jeu, il faut avancer des raisons exceptionnelles ou médicales. Y figurent, par exemple, des élèves qui nécessitent une prise en charge médicale à proximité de l’école souhaitée, la maladie d’une mère justifiant l’aide d’autres parents de l’école, le harcèlement scolaire d’un jeune garçon (confirmé auprès de la Ciri par la directeur de l’école primaire) qui souhaitait rester avec le groupe de copains dans lequel il s’était finalement intégré…

Problème : technique aléatoire. La requête doit être motivée – des justificatifs sont exigés. Les plans « fragilité psychologique », « dyslexie »… ne sont pas examinés. Mais certains parents ont la palme de l’obstination. Comme ce père qui a affiché devant chez lui des images de sa fille pendue ! Inquiets de « la pression que faisait peser ce parent sur son enfant », la Ciri a réexaminé le dossier.

4. PROFITER D’UN STATUT ISEF, LA SUPERPRIORITÉ

« Servis » en priorité : les élèves qui viennent d’écoles primaires moins favorisées. En effet, ils ont une superpriorité, puisque chaque école doit d’office leur réserver 20,4 % des places disponibles. En clair, l’élève Isef peut s’inscrire partout, dans n’importe quelle école, même celle éloignée de son domicile. Impossible cependant d’obtenir une liste officielle des écoles Isef. L’info figure sur le formulaire d’inscription que chaque parent d’élève de 6e primaire vient de recevoir.

Difficulté : le jeu est très ouvert dans des écoles qui « recrutent » peu d’élèves Isef, mais au prix d’un temps de transport plus long (si l’élève habite l’autre bout de la ville). Sans oublier qu’un changement de classement ( NDLR : le classement Isef des écoles primaires est revu chaque année) peut tout chambouler.

5. LA TECHNIQUE DE LA LANGUE

Un bonus supplémentaire est accordé pour l’option immersion. « Comme on a inscrit nos enfants en section « bilingue » dès le primaire, ce qui correspond surtout à des « bonnes » classes, on joue sur le fait qu’ils poursuivent l’immersion ensuite dans une école secondaire qui la propose », espère Xavier, qui inscrit son fils ainé en immersion.

Difficulté : le bonus n’est donné qu’à ceux qui suivent l’immersion depuis la 3e primaire. Il est faible, mais « pertinent », selon le cabinet. Un risque demeure : plus d’écoles primaires que secondaires offrant l’immersion, à l’entrée en secondaire, il y a entonnoir. En clair, mieux vaut ne pas compter que sur ce critère mais de le cumuler à d’autres « bonus » favorables.

SORAYA GHALI

L’INDICE COMPOSITE, C’EST QUOI

Cet indice s’obtient par multiplication de différents coefficients attribués à chacun des critères des élèves. Ces critères sont les distances, le partenariat, l’immersion. Un critère favorable est accordé aux écoles isolées. Des élèves sont prioritaires : dans l’ordre, les élèves Isef, la fratrie, les enfants du juge, ceux à besoins spécifiques, ceux issus d’une école adossée (jusqu’en 2013).

Pour calculer votre indice composite : inscriptions.be

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