Herman Matthijs

« En regardant les chiffres et l’histoire de la SNCB, on a l’impression de l’imminence d’une seconde Sabena »

Herman Matthijs Professeur en Finances publiques

Le gouvernement devrait faire valoir aux chemins de fer l’argument que « c’est à celui qui paie de décider » écrit le professeur Herman Matthijs.

Il ne fait pas de doute que de nombreux usagers sont très mécontents des chemins de fer. Les excuses pour ces retards de trains sont légion: un temps trop chaud, trop froid, trop de vent, des feuilles sur la voie, des vols de cuivre, des incendies dans les cabines d’aiguillage, de la neige, du verglas, trop de circulation, etc. À juste titre, l’usager du rail s’interroge pourquoi on ne trouve pas de solution aux nombreux retards, les trains raccourcis ou supprimés. La direction des chemins de fer et le monde politique doivent se demander pourquoi dans les pays scandinaves les trains arrivent à l’heure. Une question qui devrait faire l’objet d’une étude. Le budget fédéral de 2015 (art. 33.51.17.12.11.22)prévoit en effet des centaines de milliers d’euros pour les audits et études consacrées aux sociétés de chemins de fer publiques.

Et quand toutes les excuses pour ne pas circuler à temps ne suffisent pas, les cheminots sont les premiers à mener les grèves. La longue liste de grèves du rail ne profite ni à la trésorerie, ni à l’économie et ni au client. Cependant, il semble qu’il ait une amélioration en vue, car la popularité des syndicats des chemins de fer a très fort baissé à cause de leurs grèves et ceux-ci se mettent à douter de l’efficacité de cette arme. En outre, la ministre de la Mobilité Jacqueline Galant (MR) semble prête à faire un grand nettoyage dans « les écuries de la SNCB ».

La répartition

En 2005, les chemins de fer ont été subdivisés en trois sociétés: le holding pour le personnel et les bâtiments, Infrabel pour le réseau et la SNCB pour le transport des voyageurs. Tous trois avaient un contrat de gestion étendu avec l’état. Cependant, ces structures ingérables ont été réduites à deux et le holding a été supprimé, une mesure conforme à la réglementation de l’UE, même si le client n’a pas vu beaucoup d’améliorations.

Les contrats de gestion avec ces SA de droit public posent problème. Ils sont très étendus, illisibles, peu transparents et très coûteux. En outre, ils soulèvent un problème démocratique, car le gouvernement négocie avec lui-même : il nomme les conseils d’administration des deux entreprises ferroviaires. Le contrôle démocratique parlementaire est relativement faible, ce qui est illogique pour un coût de trois milliards d’euros par an. De plus, la coalition suédoise actuelle est liée aux conseils d’administration et aux contrats de gestion du gouvernement précédent.

Les chemins de fer connaissent une administration relativement autonome et c’est la raison pour laquelle toutes ces mesures sont difficilement conciliables avec une bonne gestion. Il y a par exemple le statut « royal » du personnel. Personne ne peut expliquer pourquoi celui-ci doit être nettement supérieur aux autres segments de l’état. En outre, ces deux entreprises connaissent une prolifération de filiales. Les chemins de fer possèdent également leur propre mutuelle qui compte plus de membres pensionnés qu’actifs ainsi qu’une armée de cadres largement rétribués.

Le coût

Le budget fédéral 2015 prévoit environ trois milliards d’euros pour les deux entreprises. Le gouvernement devrait faire valoir aux chemins de fer que « c’est à celui qui paie de décider » un précepte que la coalition suédoise compte peut-être appliquer.

Le chapitre 33 du budget fédéral des dépenses (Mobilité et Transport) énumère les crédits pour l’exploitation du réseau ferroviaire (environ 1,5 milliard d’euros) qui comprend les montants pour le service ordinaire du transport intérieur, les abonnements scolaires, l’exploitation du réseau par Infrabel, etc. Le second volet concerne les investissements pour le réseau ferroviaire (également environ 1,5 milliard d’euros) qui englobent la participation de l’état dans le capital de la SNCB ainsi qu’Infrabel en vue du financement des investissements.

En regardant les chiffres et l’histoire de la SNCB, on a l’impression de l’imminence d’une seconde Sabena

Outre ce coût élevé, il y a aussi les dettes, déjà chiffrées à 4,5 milliards d’euros en sachant que l’état a déjà repris sept milliards d’euros il y a quelques années. En outre, on avait alors également repris la caisse de retraite déficitaire. En regardant les chiffres et l’histoire de la SNCB, on a l’impression de l’imminence d’une seconde affaire Sabena.

Malgré cet apport considérable d’argent des contribuables, on peut difficilement dire que les chemins de fer fonctionnent bien. Les trains ne circulent pas à l’heure, ne répondent pas au nombre de voyageurs et les lignes de trains ne correspondent pas à une logique économique. Le matériel roulant ne répond pas aux besoins de la clientèle et donne régulièrement l’impression de dater de l’époque du « retour dans le futur ». Les sujets de ce royaume qui prennent le train voient la différence. Il ne faut pas oublier non plus les projets de gare prestigieux et coûteux (Liège 440 millions, Mons 150 millions et de nombreux autres projets).

Il n’y a jamais eu beaucoup de logique économique dans les investissements ferroviaires. Prenez la construction d’une gare TGV à Bruxelles-Midi, mieux aurait valu la bâtir à Schaerbeek, beaucoup plus proche de l’aéroport de Zaventem.

Conclusion

En conclusion, on peut dire qu’il y a suffisamment d’argent pour les chemins de fer. Pour trois milliards d’euros par an, le contribuable et l’économie attendent un service correct. Il y a clairement un grand problème de gestion de ces entreprises. Il faut également une meilleure surveillance de la gestion des chemins de fer autant par un organe de contrôle indépendant que par la politique, car il n’y a en effet toujours pas de véritable régulateur indépendant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire