Gérald Papy

En attendant le Mandela congolais

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Cinquante ans. Le Congo des Kasa-Vubu, Lumumba, Mobutu et autres Kabila célèbre le 30 juin un demi-siècle d’existence. Moment symbolique de réjouissance populaire et d’affirmation de la souveraineté de la Nation. Indépendance tcha tcha…

Par Gérald Papy

C’est aussi l’occasion de scruter le chemin parcouru. Or, à comparer la République démocratique du Congo d’aujourd’hui au Congo de 1960, s’impose le diagnostic d’un grand fiasco et d’un immense gâchis. Pourquoi ce pays décrit comme un « scandale géologique », en raison de ses colossales ressources minières, est-il encore aujourd’hui parmi les plus pauvres au monde (176e sur 182 au classement selon l’indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement, PNUD) ?

La responsabilité du colonisateur belge ne peut pas être éludée. Dans la balance, d’un côté, l’édification des infrastructures d’un Etat moderne (administration, santé, enseignement, communications, industrie…), de l’autre, l’asservissement de la population, un apartheid de fait, le racisme… Pour les Congolais, le bilan de la colonisation ne fut pas « globalement positif ». Celui de la décolonisation fut catastrophique. Absence de formation d’une élite congolaise, néocolonialisme économique de l’ancienne métropole, exacerbation des luttes intestines… Là aussi, les Belges ont failli.

Pour autant, les déficits de la colonisation n’expliquent pas, seuls, l’échec du développement. Il est temps aussi pour les Congolais d’exercer leur droit d’inventaire à l’égard de leurs dirigeants. Et l’aller-retour entre 1960 et 2010, que le jubilé du 30 juin invite à mener, ne doit pas occulter la période la plus sombre de l’histoire du Congo : les 32 ans de dictature du maréchal Mobutu. Prédation, corruption, fait du prince : la longue descente aux enfers du Congo-Zaïre s’est accomplie sous l’oeil complice d’un Occident trop heureux de pouvoir se reposer sur un « rempart contre le communisme ». Ensuite, une démocratisation en trompe-l’oeil a précipité le renversement de pouvoir par la violence et a conduit, paroxysme du drame congolais, aux guerres sanglantes, à dimension régionale, de 1996-1997 et de 1998-2002. On l’aura compris : le bilan de 50 ans d’indépendance du Congo n’est pas le bilan de Joseph Kabila.

Son accession au pouvoir, en novembre 2006, a même suscité de l’optimisme, mâtiné depuis d’inquiétudes. Kabila Jr a mis fin aux conflits ouverts dans l’est du pays, a assis son pouvoir par une légitimité démocratique et a attiré les investisseurs chinois. Mais il n’a pas éteint tous les foyers potentiels d’insurrection armée, il a muselé l’opposition politique et il peine à engranger des résultats sur les grands objectifs de rétablissement d’un Etat de droit qu’il s’est fixés. Pis, la répression des défenseurs des droits de l’homme, qu’illustre l’assassinat de Floribert Chebeya, fait craindre un retour à des pratiques dignes du… mobutisme.

L’actualité se montre parfois cruelle. Alors que les célébrations du 50e anniversaire jettent un regard sur la réalité souvent douloureuse de la population du Congo, le Mondial de football en Afrique du Sud vante l’harmonie d’une nation arc-en-ciel qui, sans vivre un quotidien toujours idyllique, jouit d’une certaine prospérité. Les Congolais, qui endurent la misère depuis des années, mériteraient, eux aussi, leur Mandela.

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