Thierry Fiorilli

Elu Di Rupo et la seule conviction du pouvoir

Thierry Fiorilli Journaliste

Les dirigeants de pays, de partis, se coupent toujours davantage des réalités. Sans s’en rendre compte une seconde, persuadés qu’ils sont d’être de la race des seigneurs démontre impitoyablement Marc Dugain dans son livre Quinquennat.

Marc Dugain est un personnage fascinant. Français né au Sénégal, petit-fils de « gueule cassée », fils de résistant, ancien patron de compagnies aériennes, il est devenu romancier à succès la quarantaine passée. Depuis, quinzes bonne années plus tard donc, il a été adapté au cinéma, a créé des mises en scène pour le théâtre et fait partie des chroniqueurs stars du Point. Voilà que sort ces jours-ci son dernier roman, Quinquennat. En réalité, c’est le deuxième volet d’une trilogie (Emprise en constituait le premier) consacrée au monde politique. Aux hommes politiques surtout. Dans son récit, Dugain, qui les a côtoyés dans la « vraie vie », qui les scrute depuis longtemps, fouille au plus profond de leur psychologie, de leur âme-même. Et il remonte de cette plongée avec une certitude : ceux qui comptent réellement, ceux qui pèsent, en France depuis Chirac et Mitterrand jusqu’à Sarkozy, Hollande ou Valls, ont une telle soif de pouvoir qu’elle finit, toujours et pour tous, par se transformer en unique moteur de leur action, de leur engagement, de leurs ambitions.

C’est le pouvoir qui importe, et lui seul. Décrocher le pouvoir, et puis le garder. Et ce but devient obsession. Et cette obsession frise la pathologie. Dans la mesure où, alors, les raisons qui mènent à la lutte pour ce pouvoir sont évacuées. Les convictions politiques, les projets de société, la foi authentique en des valeurs sont balayées par l’objectif d’occuper la fonction suprême. Et l’élimination de tous ceux et tout ce qui s’y opposent ou feraient figure d’obstacles devient un objectif en soi. A force, démontre impitoyablement Dugain, ces dirigeants de pays, de partis, se coupent toujours davantage des réalités. Sans s’en rendre compte une seconde, persuadés qu’ils sont d’être de la race des seigneurs.

Des élus.

En écoutant Elio Di Rupo, ce 11 mai, interrogé sur les ondes de la RTBF, on ne pouvait pas ne pas faire le lien avec les politiques décrits par Marc Dugain. Parce que tout le discours du président du PS, toute sa réflexion y sont à nouveau apparus comme articulés autour de la seule logique d’occupation du pouvoir. Pratiquement un an après des élections dont il croyait dur comme fer qu’elles le confirmeraient dans son rôle de chef du gouvernement national, un peu plus de six mois après la constitution d’une équipe dont son parti a été débarqué, c’est en monarque déchu et contraint à l’exil qu’il s’exprimait. Amer, reprochant à ses adversaires d’avoir trahi, accusant les médias de le saboter, esquivant toute critique à l’égard de sa présidence pour laquelle il était l’unique candidat (« Il faut respecter ceux qui sont élus, or j’ai été élu ») et osant même un « Je suis un Premier ministre qui met son expérience au profit de son parti » alors qu’il ne dirige plus qu’un parti d’opposition en grande difficulté.

C’est donc un homme de pouvoir mais auquel le pouvoir a échappé qui parlait. Sans autre programme que l’ambition de le récupérer, un jour ou l’autre. Sans autocritique. Sans visions concrètes, au-delà de la rhétorique, pour garantir le bien-être du plus grand nombre.

L’élu Di Rupo n’est évidemment pas le seul dans ce cas. Mais il incarne, aujourd’hui, plus que tous les autres, ce politique que Marc Dugain définit comme ayant un inextinguible « besoin d’être nommé. La comparaison peut sembler énorme, mais c’est assez proche du ressort du tueur en série qui a, avant tout, besoin d’exister, d’être nommé, c’est-à-dire remarqué, de lire son nom en haut de l’affiche. » Un projet strictement personnel, donc.

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