Carte blanche

Els a perdu son fils de 5 ans: « je milite pour un congé de deuil d’un an »

Légalement, seuls trois jours sont prévus en cas de perte d’un proche, même quand il s’agit d’un de ses enfants. Els Duyck a perdu son fils de 5 ans. Elle trouve que l’on devrait prévoir jusqu’à un an. « On peut obtenir des congés pour presque tout, mais pas pour la mort d’un être cher. Est-ce normal ? »

Le 13 décembre 2007. Le téléphone sonne. C’est l’hôpital. Rytse Sabbe, le fils de 5 ans d’Els Duyck et Pierre Sabbe doit subir de toute urgence une transplantation de cellule. « Le monde autour de moi s’est écroulé » dit Els. Malgré tout son courage, le petit garçon ne survivra pas.

Lorsqu’elle se penche sur cette période d’adieu, elle se dit surtout qu’elle aurait eu besoin de plus de temps pour faire son deuil. Légalement, on a droit qu’à 3 jours. C’est trop peu. « Je trouve qu’on devrait avoir un an pour ce genre de drame. »

Rytse Sabbe est né en pleine forme le 2 juin 2002. Pour sa maman et son papa, c’est l’euphorie. L’avoir n’avait pas été simple. Ils pensaient même ne pas pouvoir avoir un enfant. « Mon père est décédé d’une maladie héréditaire à 43 ans », dit Els. « Et nous savions que si nous mettions un petit garçon au monde, il aurait la même maladie. » Ils adoptent alors Arjen qui vient de Russie. Juste après qu’il ait rejoint la famille, Els tombe naturellement enceinte. On lui dit que c’est une fille, elle ne risque donc pas d’être malade. Une grosse erreur médicale, puisqu’après 32 semaines, ils apprennent que la petite fille est en réalité un garçon. « On nous dit que dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je peux encore avorter. Je n’en ai pas cru mes oreilles. Dans mon ventre, il n’y avait plus un foetus, mais un bébé presque à terme que je sentais bouger. Pour moi, avorter, à ce moment-là, c’était un meurtre. Je n’ai pas pu. »

Pénible décision

Après sa naissance, tout s’est déroulé normalement. Mon petit garçon se développait comme un charme. Il était néanmoins suivi de près. Chaque année, il devait passer toute une série de tests. Durant quatre ans, tous les résultats étaient positifs. Jusqu’en décembre 2007 et ce funeste coup de fil.

Il subi le même traitement que celui administré aux patients souffrant d’une leucémie. Un traitement lourd que Rytse a eu beaucoup de mal à supporter. Il vomit, perd des forces et ses jolies boucles blondes. Malgré cela, il garde le sourire. « Moi, j’étais en pilotage automatique, un zombie. J’étais dévastée par le chagrin, sans pouvoir le montrer. On a réussi à trouver un donneur et la greffe a fonctionné, mais très vite Ryste n’arrive pas à produire de globules blanches. Sa santé périclite, il semble s’éteindre. Il a encore quelques bons moments, mais on le sent inexorablement glisser loin de nous. Son regard change aussi. Il semble dire : j’en ai assez. »

Après un arrêt cardiaque, il est plongé dans le coma. Son cerveau est irrémédiablement touché. « On est face à la terrible décision. Doit-on arrêter là où le laisser branché aux machines. Connaissant notre petit garçon et sa soif d’aventure, il n’aurait pas aimé rester attaché à ces appareils. Il avait clairement dit qu’il aimerait rentrer à la maison. Un souhait que nous avons malgré tout pu exaucer. Lorsqu’il est apparu clairement que c’était la fin, nous l’avons ramené en ambulance. C’était le 14 avril 2008. Nous nous sommes installés dans notre grand lit avec notre famille (entre temps la famille s’est agrandie de Jinte et Tieme, deux enfants naturels de Els et Pierre ndlr). Après quelques heures sans aide respiratoire, Rytse s’est paisiblement endormi. Après, Pierre lui a donné un bain. Il aimait tant cela. »

« La mort de Rytse fut pour tout le monde un coup dur. Je n’ai pas eu le temps de faire mon deuil. Les premières semaines suivant son décès, j’étais en miette. Mais je me devais de continuer, j’avais trois petits enfants. J’ai reçu des médicaments, mais on ne digère pas la mort de son enfant avec quelques pilules. » Elle écrit un livre, fait du saut en parachute. Mais tout ça ne suffit pas et il y a deux ans, soit près de 8 ans après la mort de son fils, elle s’écroule.

« Lors d’un citytrip à Rome j’ai eu une crise d’épilepsie. Quelques mois plus tard, rebelote, dans une boutique. Après de nombreux examens, il est apparu que cela n’avait rien de neurologique, mais que ces attaques étaient causées par le stress et le manque de sommeil. » Elle se décide à aller voir un psychologue. Son mari se demande pourquoi maintenant, après tant de temps. « Après la mort de Rytse, je n’ai jamais eu le temps de faire mon deuil ou de parler de mes sentiments. Je vivais sur pilote automatique. Le psychologue m’a dit « vous avez une fracture ouverte que vous essayez de guérir avec un sparadrap. Cela ne marche pas. Votre jambe repousse de travers et s’infecte. Ce n’est que lorsque tout le pu est sorti, que vous pouvez vous reconstruire debout. Elle avait raison. »

Aujourd’hui, près de 10 ans après la mort de son fils, Els est pour six mois à la maison, en congé maladie. « Le 13 novembre, je peux retourner travailler. Je suis très contente. J’aime tellement mon travail. Mais j’étais à bout. Si je n’ai qu’un conseil à donner aux parents qui vivent la même chose que moi : c’est de se donner le temps nécessaire. Si vous ne le prenez pas, vous aurez tôt tard un effet boomerang. Je milite pour un congé de deuil d’un an. On peut obtenir des congés pour presque tout, mais pas pour la mort d’un être cher. Est-ce normal? »

Bien que Rytse ne soit physiquement plus là, il reste présent dans la famille. Dans le salon familial, on retrouve des photos de lui et une grande pierre dans laquelle se trouve son urne. « Rytse collectionnait les pierres. Depuis, nos amis nous rapportent des pierres de partout dans le monde. Un ami va bientôt en ramener de la route 66. Rytseke aurait trouvé ça formidable. »

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