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Elio Di Rupo : « Oui, je suis lent »

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Le Premier ministre défend sa méthode, faite de patience et de douceur. Il se réjouit du retour en vogue du drapeau national et clame son amour de la Belgique, cet « indicible patrimoine qui est en nous ». Un subtil rappel à l’ordre adressé aux régionalistes wallons ?

Le Vif/L’Express : De 1994 à 1999, vous avez été ministre dans le gouvernement de Jean-Luc Dehaene. Sa méthode vous inspire-t-elle ?

Non. Dehaene, on l’appelait le plombier institutionnel. Moi, je n’aime pas trop les tuyauteries en politique. J’agis différemment. Je suis pour la douceur plutôt que pour une forme de détermination à tout prix. Au fil des épreuves de la vie, je me suis habitué à agir, mais après avoir écouté. Tout un temps, c’était même une critique qu’on m’adressait. Di Rupo est trop lent… Oui, je suis lent. Mais c’est parce qu’il y a beaucoup d’acteurs autour de moi. Au gouvernement, il y a six partis. Pour les réformes institutionnelles, Ecolo et Groen s’ajoutent. Si vous ne prenez pas le temps de les écouter en profondeur et de rechercher les points de convergence, vous n’y parvenez pas. Donc je passe beaucoup de temps à écouter, et puis à formuler des propositions, sans jamais considérer que quand je propose quelque chose, c’est ça ou rien. Je suis comme un architecte qui modifie en permanence ses plans. J’émets une première idée, j’écoute, je réajuste, et on finit par trouver la solution.

« Il faut du courage pour être Premier ministre, je rends ça à Elio », a déclaré Georges Gilkinet, député Ecolo. A la tribune de la Chambre, face à l’opposition, vous avez l’impression de devoir faire preuve de courage physique ?

Oui, parfois. En tout cas, il faut essayer d’être en bonne santé… Parce que les attaques viennent de partout. Au Parlement, il y a 150 députés. 88 néerlandophones, 62 francophones (Tout en parlant, il note les chiffres sur une feuille en papier). Dans les 88 néerlandophones, il y a 40 séparatistes, et donc 48 qui sont démocrates et modérés. Les 40 sont bien sûr toujours à l’assaut du Premier ministre. Ils attaquent.

On a longtemps eu l’impression que le 16, rue de la Loi était une chasse gardée pour les partis flamands. Vous avez fait sauter le verrou ?

Non, il n’y avait pas de verrou. La fonction de Premier ministre, c’est le résultat de négociations complexes. Au bout de ces négociations, un consensus se dégage entre les partis qui forment la coalition. Pendant de très nombreuses années, ce consensus s’est porté sur des personnalités néerlandophones. Cette fois-ci, il s’est porté sur un francophone. Pour quelle raison ? D’abord, il y a le résultat des élections. En 2010, le PS avait largement gagné au sud du pays, et avec le SP.A, les socialistes formaient la première famille politique. Mais ce n’est pas une règle : la première famille politique ne livre pas automatiquement le Premier ministre.

Dans une carte blanche publiée par De Standaard, le député Kristof Calvo (Groen) a souligné ce contraste : les Diables rouges suscitent un engouement sans précédent, mais les dirigeants politiques n’expriment guère leur attachement au pays. « Même le Premier ministre Di Rupo évoque plus souvent, dans ses allocutions parlementaires, les Flamands, les Wallons et les Bruxellois que les Belges. La Belgique est en train de disparaître des discours politiques. »

Monsieur Calvo, je le vois de temps en temps au Parlement, mais je ne l’ai jamais vu à une de mes conférences. S’il venait, il entendrait probablement ce qu’il souhaite entendre. C’est un pays formidable, la Belgique, je le pense au plus profond de moi. On doit défendre le made in Belgium. Partout où je vais, je constate d’ailleurs cette volonté de préserver la cohésion du pays. Ces temps-ci, il y a même un regain national, ou fédéral. On voit fleurir les drapeaux belges, c’est remarquable. Moi, en tout cas, je n’avais jamais assisté à un tel enthousiasme.

Les déclarations offensives de certains régionalistes wallons, cela vous dérange ?

Non, je pense qu’ils ont une réponse avec la réforme de l’Etat, 20 milliards de transferts du fédéral vers les régions et les communautés. C’est énorme. Pour ma part, j’ai toujours eu comme attitude d’aider à la cohésion, et non à la division. Je peux comprendre certains souhaits. Chacun est libre d’exprimer sa pensée. Mais rien ne serait pire que l’instabilité.

L’intégrale de l’interview et le dossier « Comment Di Rupo tient les 6 partis de la coalition » dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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