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Elio Di Rupo en campagne contre le mal

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Ce 24 novembre, Elio Di Rupo était invité à évoquer la justice sociale lors d’une conférence organisée à l’Université de Namur. Mais le président du PS a surtout profité de l’occasion pour proposer une analyse rudimentaire du clivage gauche-droite. Retour sur une stratégie en perte de vitesse.

Le discours ferait mouche dans un congrès de parti, voire dans l’un des nombreux fiefs acquis à la cause d’Elio Di Rupo. Mais ce lundi soir, le rabâchage systématique de critiques à l’encontre du gouvernement « MR-N-VA » a plutôt suscité des murmures rieurs dans le grand auditoire de l’Université de Namur.

Après Didier Reynders en 2012 et Joëlle Milquet en 2013, l’Assemblée générale des étudiants invitait Elio Di Rupo ce 24 novembre dans le cadre d’une conférence. Si l’événement était ouvert à tous, les étudiants constituaient une très large majorité parmi ce public de 600 personnes.

Elio Di Rupo devait évoquer le « chemin du progrès » à travers la « justice sociale ». D’emblée, l’orateur feint l’improvisation. « Je ne connaissais pas exactement le titre, je savais juste que je vous voyais », glisse-t-il en souriant. En vérité, le président du PS a d’autres intentions : égratigner le nouveau gouvernement fédéral et propager l’idéal socialiste en l’absence de voix contradictoires. Ce serait de bonne guerre si les ficelles n’étaient pas usées depuis de trop longs mois.

Le bien en rouge, le mal en bleu

Avec le même ton de pédagogue que celui adopté lors de son round préélectoral dans le Hainaut, Elio Di Rupo s’attelle cette fois à présenter le clivage gauche-droite, encerclant quelques lignes de sa présentation Powerpoint. Ce sera le bien contre le mal. Le « bien » sur un fond rouge, le « mal » sur un fond bleu. Sous le titre « gouvernement Di Rupo », la colonne du bien – appelons-là ainsi – fait état du soutien au pouvoir d’achat et des 7 milliards d’euros prélevés sur les revenus du capital. La colonne du mal, celle du « gouvernement MR-N-VA », présente la « détérioration du pouvoir d’achat » et 350 petits millions de prélèvements sur les revenus du capital. Tel est le résumé, selon Di Rupo, de la « différence entre un gouvernement de centre-gauche et un gouvernement de droite ».

A l’image de la stratégie adoptée par le PS depuis plusieurs semaines, Elio Di Rupo épingle l’augmentation du coût du diesel. Sans préciser que son parti l’aurait probablement validée s’il était resté à la barre. Il y ajoute le serrage de ceinture de la SNCB et les milliards à économiser dans le secteur des soins de santé. La Fédération des entreprises de Belgique n’échappe pas aux salves du ministre d’État. « Si vous écoutiez la FEB, on ne devrait payer les travailleurs que quelques euros par heure, comme c’est le cas en Chine. » Le lendemain midi, c’est devant les patrons du Cercle de Wallonie qu’il prendra la parole… Pour évoquer Mons 2015.

La conclusion de l’exposé sonne comme un dilemme caricatural. Elio Di Rupo exhorte les étudiants en présence à faire un choix : « agir ou subir », « l’unité ou la division du pays », « la solidarité ou l’égoïsme ». Les applaudissements de courtoisie n’ont rien de l’écho bruyant que le message susciterait dans une salle surchauffée remplie de militants.

Techniques d’esquive

Le scepticisme est palpable lors de la séance de questions-réponses qui s’ensuit. Celle-ci a le mérite d’être plutôt spontanée, ce qui est rare dans l’encadrement de la communication de Di Rupo. Mais ce dernier a le don de renverser ou d’esquiver les remarques piquantes. Au professeur prochainement sans emploi, suite à des économies drastiques dans l’enseignement décidées par la majorité PS-CDH, Di Rupo répond que cela l’étonne mais qu’il va se « renseigner auprès de madame Milquet ».

A l’étudiante qui lui demande de citer au moins quelques mesures positives du nouveau gouvernement, il se borne dans un premier temps à répondre qu’il « n’entend pas la question », parfaitement audible. L’insistance de l’intervenante le contraindra toutefois à sélectionner une mesure positive : le report de l’équilibre budgétaire en 2018 plutôt qu’en 2015. A l’étudiant pointant une hausse inévitable de l’âge de départ à la retraite, Di Rupo rétorque que « des études » montrent qu’il est possible de continuer à financer le système des pensions, moyennant « une certaine croissance économique et moins d’inégalités ».

Si cette stratégie de communication semble fonctionner – jusqu’à quand ? – devant un public plutôt acquis à sa cause, elle se heurte à la méfiance légitime d’une audience plus vigilante. Et traduit, une fois de plus, le parfum de confrontation embrumant l’air de cette législature : à défaut d’un véritable projet de société, majorité comme opposition se complaisent encore dans les accusations simplistes.

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