Jean-Francois Mitsch © BELGA

Electragate: messieurs les députés, voici les questions clés

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le « lanceur d’alerte » Jean-François Mitsch est auditionné ce lundi au parlement wallon, ainsi que les négociateurs du marché dans lequel Electrabel aurait floué les communes. Voici les zones d’ombre à éclaircir.

Ce lundi est une journée clé dans l’Electragate. Jean-François Mitsch, conseiller communal PS à Genappe, est entendu à 14h par les députés membres de la commission Energie du parlement wallon. Il sera suivi de trois acteurs clés dans ce dossier mêlant Electrabel, Ores, qui distribue le gaz et l’électricité dans 197 communes wallonnes, et sept intercommunales pures de financement. Il s’agit de Fernand Grifnée, CEO d’Ores Scrl, le bras opérationnel de l’intercommunale ; de Claude Desama (PS), ancien président d’Ores et toujours président d’Intermixt, une structure censée défendre les intérêts des communes et de Cyprien Devilers (MR), président du conseil d’administration d’Ores Asset, l’intercommunale proprement dite.

Le Vif/ L’Express avait révélé mi-mars que les communes auraient été flouées par Electrabel dans un double marché négocié depuis 2008 et finalisé fin 2016. Un manque à gagner d’un montant qui pourrait être largement supérieur à 200 millions d’euros, pour les deux marchés.

D’une part, les communes ont racheté les derniers 25% appartenant à Electrabel dans les réseaux de distribution pour un montant de 409 millions, en vertu d’un deal conclu en 2008 (et qui concernait 49% des parts). Pourtant, un rapport commandé par les communes à une banque d’affaires, Leonardo, chiffrait en 2014 la valeur réelle à quelque 250-300 millions d’euros (soit un manque à gagner de plus de cent millions d’euros, pour la dernière tranche de l’opération seulement).

D’autre part, les communes revendaient à Electrabel le restant des parts qu’elles détenaient dans Electrabel Costumer Solutions pour 20 millions d’euros. Or, cette société qui gérait la clientèle d’Electrabel, dissoute depuis, a de façon étonnante multiplié les pertes trois ans avant l’opération. Jean-François Mitsch estime qu’une évaluation à la hausse aurait pu rapporter aux communes jusqu’à un demi-milliard d’euros (pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles qui détenaient 40% de droit sur les bénéfices).

Messieurs les députés, au moment d’entendre les principaux acteurs, voici quelques questions qui nous semblent incontournables.

  1. Les conditions de ce marché ont visiblement été figées en 2008. Pourquoi les communes n’ont-elles pas alors, en 2008, demandé un rapport indépendant pour évaluer la valeur du réseau ?
  2. Lorsque le rapport Léonardo a mis le doigt sur l’écart entre le « juste prix » et le montant finalement payé, pourquoi les communes (et les intercommunales qui les représentaient) n’ont-elles pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour adapter le montant ?
  3. Le marché s’est effectué avec une clause de la nation la plus favorisée, permettant à une Région de remettre en question le marché s’il apparait qu’elle bénéfice de conditions moins intéressantes qu’une autre Région. Or, il apparaît que cette clause n’a pas été invoquée alors que Sibelga, à Bruxelles, aurait obtenu de meilleures conditions en 2010 ?
  4. Les communes n’ont demandé aucun rapport pour déterminer la valeur réelle d’Electrabel Costumer Solutions et Electrabel n’a pas fourni d’information à la banque d’affaires. Pourquoi ?
  5. Trois personnes au moins ont joué un rôle clé dans cette opération : Fernand Grifnée, qui était chez Electrabel avant de devenir le CEO d’Ores ; Claude Desama qui était président d’Ores avant de prendre la tête d’Intermixt, et Didier Donfut, président du conseil d’administration d’Ores, qui a « vendu » le double marché aux communes. Quel a été leur rôle exact, depuis le début des années 2000, au sein d’Electrabel, des intercommunales et d’Ores ? Quelles ont été leurs rémunérations exactes dans ce cadre?
  6. Les communes, actionnaires minoritaires, ont-elles été informées correctement de ce double marché et les décisions qu’elles ont prises dans les différents conseils communaux pour valider ces opérations se sont-ils passés conformément au code de démocratie locale, avec une présentation préalable au vote dans chaque commune ?
  7. Quelles sont les pièces que les élus ont eues à disposition pour prendre part aux décisions dans les 197 conseils communaux ?Les nombreux administrateurs qui on prit part à ces décisions entre 2003 et 2015, ont-ils été correctement informés, leur responsabilité n’est-elle pas engagée, conformément au code des sociétés ?

Rappelons par ailleurs qu’une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Nivelles. Et que l’on attend le rapport demandé à son administration par le ministre wallon des Pouvoirs locaux, Pierre-Yves Dermagne (PS), car cette affaire complexe pose aussi bien des questions en matière de gouvernance et de contrôle des intercommunales.

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