Ettore Rizza

Elections communales : quand le ridicule rend plus fort

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Si vous êtes actif sur les réseaux sociaux, vous n’avez pas pu les rater. On parle de ces candidats « décalés » qui, à l’approche du scrutin communal du 14 octobre, fleurissent sur des affiches amusantes/affligeantes ou des vidéos hilarantes/consternantes (biffez les « ante » inutiles).

Rien vu de tout ça ? Jetez donc un oeil sur ce Tumblr, où un anonyme fait oeuvre utile en enfilant au fur et à mesure les plus belles perles glanées sur le Net.

Des perles en toc arrachées à des huîtres en plastique ? Ah, ça, on ne peut pas dire qu’elles sentent le fric à plein nez. En général, le résultat semble plutôt le fruit du petit neveu du candidat, celui qui vient de recevoir son nouveau PC équipé d’origine des logiciels Paint et Movie Maker.

Et pourtant ça marche. Discussions en rafale sur Facebook, reportages aux JT, galeries photo sur le net, billets dans la presse… Quels candidats dits « sérieux » peuvent se targuer d’avoir obtenu le tiers du quart ? C’est qu’en comparaison, elles paraissent bien démodées leurs affiches formatées. Un logo de parti, un candidat en costume ou tailleur, un sourire-banane copié sur celui du voisin. Ce ne sont plus des panneaux d’affichage, c’est une campagne de pub pour Colgate ©. Tellement XXe siècle. Antédiluvien, périmé, poussiéreux.

Ou trop moderne, peut-être. Si l’on en croit le spécialiste en médiapolitologie Michel Henrion, les affiches décalées ne datent pas d’hier. Comme il l’écrit sur son blog , un certain François de Groseilliez conseillait déjà en 1846 de ne pas hésiter à surprendre pour conquérir la notoriété : « Voilà un homme bien absurde! Mais le nom de l’homme absurde est cité dans tous les journaux et remplit au moins la moitié d’une colonne ». »

Plus tard, le journaliste français Léon Zitrone a resserré l’idée dans une formule restée célèbre : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! »
Pas moyen, en revanche, de retrouver l’auteur de ce syllogisme implacable, qui résume à lui seul toute la société du « buzz » :

Le ridicule ne tue pas.

Or ce qui ne tue pas rend plus fort.

Donc le ridicule rend plus fort.

Bonne campagne tout de même.

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