Olivier Rogeau

Egypte : un islam dur après l’ère Moubarak ?

Olivier Rogeau Journaliste au Vif

La page est tournée. L’Egypte a un président islamiste. Un Frère musulman. Adepte de la charia, Mohammed Morsi défend des idées ultraconservatrices moquées par les jeunes de sa propre confrérie. Mais sa marge de manoeuvre est limitée.

On le disait sans charisme. On le présentait comme « la roue de secours », le candidat de substitution désigné après la disqualification de Khairat el-Shater, le numéro deux des Frères musulmans. Mais la puissante machine à gagner les élections de la confrérie a montré toute son efficacité. Mohammed Morsi, cet ingénieur diplômé d’une université américaine, entre dans l’histoire de l’Egypte en devenant, à 60 ans, le premier président civil élu depuis le renversement du roi Farouk, il y a… soixante ans. Pour les membres la secte des Ikhwans (les Frères musulmans), c’est un moment exceptionnel : après plus de quatre-vingt ans d’existence, elle va, espèrent-ils, enfin pouvoir mettre en oeuvre son projet politique et faire appliquer la charia.

Pour séduire au-delà de l’électorat islamiste, Morsi a promis de préserver les acquis de la « révolution », de ne pas forcer les femmes à porter le voile ou de garantir les droits de la minorité chrétienne. Avant même le verdict officiel de la présidentielle, il s’est proclamé « président de tous les Egyptiens ». Morsi se présente comme un homme de dialogue, qui cherche le consensus. Il se dit néanmoins partisan d’un « projet de renaissance » fondé sur les principes de l’islam. Ses idées très conservatrices ont fait bondir la jeune génération des Frères et inquiètent la plupart de ceux qui ont déclenché le soulèvement contre la dictature de Hosni Moubarak. Le nouveau président a proposé la mise en place d’un conseil religieux, chargé d’examiner la conformité des lois à la charia. Il menace de revoir le traité de paix avec Israël si les États-Unis bloquent leur aide à l’Égypte. Le nouvel homme fort de l’Egypte a aussi prôné un renforcement des relations entre Téhéran et le Caire, rompues depuis plus de trente ans.

Mais la marge de manoeuvre du président est étroite. A la suite de la dissolution de la chambre des députés dominée par les islamistes, l’armée s’est en effet octroyée le pouvoir législatif et un droit de contrôle sur l’élaboration de la prochaine Constitution. Ces mesures ont été perçues comme un « coup d’Etat institutionnel ». La proclamation de la victoire de Morsi, saluée par une explosion de joie islamiste sur la place Tahrir, a désamorcé cette guerre des nerfs qui oppose les Frères musulmans et le Conseil suprême des forces armées. Mais le bras de fer entre les deux principales forces du pays n’est pas terminé pour autant. Les discussions à venir porteront sur l’avenir du Parlement et l’étendue des pouvoir du président, à qui l’armée refuse tout contrôle sur les affaires militaires.

O.R.

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