Christine Laurent

Eglise: Stupeur et tremblements

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

La lumière à tout prix ! Au risque de choquer, de perturber, voire de bouleverser non seulement un aréopage d’évêques, un archevêque, de nombreux fidèles, mais le pape en personne, pétrifié dans son fief du Vatican.

Par Christine Laurent

Du jamais vu, cette perquisition menée sans état d’âme au coeur même de l’Église, dans un périmètre intérieur qu’elle croyait intouchable. Stupéfaction, indignation. Et si l’opération-choc dissimulait, en réalité, une intervention souterraine de la franc-maçonnerie ? Et les vieux démons de s’agiter, réveillant ainsi des tensions ancestrales et une sourde rivalité bien loin d’être cicatrisées. Autant d’arrière-pensées opposées à des accents blessés.

Il y a les faits… et l’interprétation des faits. Rassemblés pêle-mêle, sous l’effet d’une déflagration émotionnelle réelle, ils peuvent apparaître comme une agression inexcusable aux yeux de nombreux catholiques. L’émotion. C’est bien elle qui a fait dire des sottises à Tarcisio Bertone, le secrétaire d’Etat au Vatican, pour qui « l’opération calice » (comme l’ont baptisée les enquêteurs) est un événement qui ne s’était jamais produit « même dans les pires régimes communistes ». La réalité, bien entendu, est tout autre et bien plus complexe. La Justice doit suivre son cours, Benoît XVI l’a confirmé. Et l’Église n’est pas au-dessus des lois. Dans ce contexte, c’était une bien étrange « trouvaille », cette commission ecclésiale pro-forma pour le traitement d’abus sexuels commis sur des mineurs par des clercs.

Un privilège obtenu en 2000 par Monseigneur Daneels mais qui devait très rapidement montrer ses limites. Suspicions, accusations, rumeurs…Exit l’ex-Présidente, place au pédo-psychiatre Peter Adriaenssens. Las, rien n’y fait. Le soupçon s’incruste. Et si, à l’insu de leur plein gré, les membres de la dite commission étaient tentés de ne pas livrer tous les dossiers à la Justice ? Et si elle se révélait éteignoir de la vérité ? Et si une résistance inconsciente opérait pour ne pas éventer des secrets verrouillés ?

De fait, l’indispensable transparence est incompatible avec l’opacité. Et la conscience peut se montrer flottante s’il s’agit de défendre ses pairs. La nécessaire mise à nu pouvait contrarier une culture épiscopale qui jusqu’ici a toujours choisi de protéger l’Institution. Les silences obstinés de l’Église, la détresse des victimes. Un jour ou l’autre, il fallait trouver une porte de sortie pour une commission bancale, créée dans les marges.

« À toutes les victimes, nous demandons pardon », a déclaré il y a quelques mois le Pape dont personne ne doute de la bonne foi. Mais il y a le passé. Cette omerta qui impose le silence à toute communauté d’intérêts et dont l’Église ne pourra se défaire en quelques années à peine. Comment avoir vraiment confiance ? Comment faire confiance ? Les accusations réelles nourrissant des doutes, une vraie crainte de voir une mémoire, des faits dérobés à la Justice civile l’ont emporté. Même s’il fallait aller jusqu’à introduire des marteaux pneumatiques dans la crypte de la cathédrale de Malines, hélas. Car pour la première fois, la Justice touchait au sacré, ce qui a choqué. Il n’empêche. Désormais, il n’y a plus de justice réservée, l’intime aussi peut devenir affaire d’Etat. Une révolution.

Se protéger plutôt que de dire la vérité… Parce que la vérité fait mal. Aujourd’hui l’Institution catholique est meurtrie. La vérité a un prix, certes. Mais elle rend libre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire