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Ecolo est-il populiste ?

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Libéraux et humanistes attaquent vertement les écologistes dans l’affaire Mawda, comme ce fut le cas tout au long du Kazakhgate ou après le scandale Veviba. Le parti dérange. Clairement.

C’est de l’artillerie lourde. Tour à tour, le Premier ministre, Charles Michel (MR), et Benoît Lutgen, président du CDH, ont sonné la charge contre Ecolo, autour du week-end de la Pentecôte. Eléments de langage à la clé, repris par leurs troupes :  » populisme vert « ,  » méthodes dignes de l’extrême droite « ,  » trumpisation des esprits  » (vocable élargi à la gauche francophone).  » C’est une tendance à une forme de simplification du débat, du slogan qui dépasse la substance « , résume Charles Michel au Soir.  » Lorsqu’on utilise des techniques de manipulation, comme Ecolo l’a fait à mon égard dans le scandale Veviba (cet abattoir où on a retrouvé, en mars dernier, de la viande avariée, à Bastogne), argumente pour sa part Benoît Lutgen. Quand, par rapport au drame qui a coûté la vie à la petite Mawda, on balance des tweets émotionnels sans le moindre recul et sans connaître les circonstances précises du drame.  » Et tant pis si le vice-président de son parti, Hamza Fassi Fihri a  » balancé « , le 18 mai, un tweet estimant que la petite Mawda est la  » victime de la politique d’asile inhumaine du gouvernement « .

Zakia Khattabi : « Je ne retire pas un mot »

La mort de la petite Irakienne, tuée le 17 mai par une balle de la police lors d’une course-poursuite avec des passeurs sur l’autoroute E42, a réveillé chez certains une acrimonie à l’égard d’Ecolo, jugé coupable d’avoir  » politisé  » rapidement le débat. En cause ? Deux tweets de la coprésidente Zakia Khattabi. Un :  » Ce drame est le fruit de la fuite en avant dans une politique d’asile de plus en plus répressive. La responsabilité de #begov est engagée !  » Deux :  » Quel que soit le résultat de l’enquête, les responsabilités pointées/prises ou pas… #Mawda fera désormais, indéniablement, partie du bilan du gouvernement de Charles Michel et de notre histoire collective…  »

 » Je ne retire pas un mot de ce que j’ai écrit « , déclare Zakia Khattabi au Vif/L’Express.  » Oui, cette politique répressive ne laisse aucune perspective à ces réfugiés et ouvre la voie aux passeurs qui les exploitent, et dont je n’exonère absolument pas la responsabilité. Mais on a le droit de pointer un problème politique, tout de même.  » La coprésidente d’Ecolo constate d’ailleurs que Guy Verhofstadt, président des libéraux européens, n’essuie pas, lui, des accusations de  » populisme  » lorsqu’il s’exprime de la même façon sur les réseaux sociaux :  » Le tir de la police sur les passeurs et les migrants en plein milieu de l’Europe est la preuve que notre politique migratoire est déficiente et provoque chaque jour des tragédies horribles.  »

Ecolo en coeur de cible ?  » Des députés ont eu des insinuations crapuleuses à mon égard « , s’insurgeait le vice-Premier MR Didier Reynders, fin avril dernier, à la fin d’une commission d’enquête parlementaire Kazakhgate au cours de laquelle les écologistes ont tenté en permanence de le mettre en cause. Son collègue Denis Ducarme, en charge de l’Agriculture, ne cachait pas une irritation similaire suite aux charges écologistes dans le scandale Veviba.

 » La forte présence d’Ecolo dans les commissions d’enquête de ces dernières années a sans doute provoqué une forme de ressentiment personnel « , analyse Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Le travail des parlementaires Jean-Marc-Nollet, Georges Gilkinet et Benoit Hellings au fédéral sur le nucléaire, le Kazakhgate ou les scandales alimentaires, Alain Maron au parlement bruxellois sur le Samusocial, et Stéphane Hazée au parlement de Wallonie sur Publifin ont exaspéré bien des ministres.  » Ce travail de sape visant à chercher des éléments de responsabilité politique est mal perçu chez nous alors qu’il est courant dans les pays anglo-saxons « , constate Pierre Verjans, politologue à l’ULiège.  » Nous faisons notre job, c’est tout, claque Zakia Khattabi. En retour, on utilise systématiquement cette accusation simpliste,  » populisme », pour éviter de nous répondre sur le fond.  »

Ecolo est-il populiste ?

« Ecolo retrouve les accents de ses succès »

Ecolo heurte donc parce qu’il tape dans la fourmilière d’un entre soi cultivé par les partis traditionnels. Il perturbe le jeu parce qu’il est le seul à avoir clairement opté pour une politique ouverte dans le dossier migratoire. Mais Ecolo dérange, aussi, parce qu’il se révèle à nouveau un rival électoral dangereux, en surfant sur la vague antisystème qui a le vent en poupe en Europe, suivant le modèle des écologistes victorieux en Autriche et aux Pays-Bas.  » On a l’impression qu’Ecolo etrouve aujourd’hui des accents qui étaient les siens au moment de la commission Dutroux et de l’affaire de la dioxine, un climat qui avait expliqué son important succès électoral de 1999 « , relève Pierre Verjans.  » Je parle régulièrement avec des politiques de tous les partis et il y a le sentiment général qu’il y a une humeur favorable à Ecolo, tandis que les gouverne- ments fédéral et régionaux plafonnent « , enchaîne Pascal Delwit. Même s’il reste prudent car les progressions du parti dans les sondages ne sont pas aussi significatives que cette humeur le laisserait croire.

Il reste cette certitude : dans le paysage compliqué de la Belgique francophone, c’est la seule formation politique (avec le PTB) à ne participer à aucune majorité. Or, les verts ne sont jamais aussi forts que lorsqu’ils sont dans l’opposition.  » Certains jugent qu’ils doivent les attaquer « , résument les politologues. Cette rage s’explique en outre par la particularité de l’électorat d’Ecolo :  » C’est le parti ayant la base électorale la moins stable, mais aussi celui qui représente le deuxième choix du plus grand nombre d’électeurs « , appuie Pascal Delwit. Autrement dit, les déçus de l’alliance du MR avec la N-VA au fédéral ou les désenchantés du CDH en crise pourraient très bien rejoindre ses rangs aux communales d’octobre 2018 ou aux législatives et régionales de mai 2019.

 » En attaquant de front Ecolo, le MR et le CDH risquent toutefois de compromettre toute possibilité d’une alliance avec lui, alors qu’ils pourraient en avoir besoin « , met toutefois en garde Pascal Delwit. Qui souligne, à titre de comparaison, l’étrange indulgence de ces deux partis à l’égard de DéFI alors que le parti d’Olivier Maingain est tout aussi dur dans son opposition au fédéral. Il n’a jamais été question d’un  » populisme amarante « . Comme si ce partenaire-là devait être ménagé… De la même façon, le PS, lui, ne lève jamais le ton à l’égard d’Ecolo. Comme si la gauche  » trumpisée  » préparait une alliance alternative.

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