Christine Laurent

Echec interdit

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

C’est ce jour-là que les vannes, déjà en piteux état, ont cédé. Mais dans les profondeurs. En surface, pas de grand bouleversement notoire, croyait-on au Sud. Juste du remue-ménage, de l’agitation fébrile teintée de stupéfaction. Des commentaires assourdissants, du bruit. Ainsi, les urnes avaient, le 13 juin dernier, consacré le triomphe, en Flandre, d’un parti nationaliste.

Fâcheux, pas nécessairement de bon augure, mais le pays n’en avait-il pas vu d’autres ? Nul doute qu’une fois encore la créativité et l’extraordinaire imagination, teintée de pragmatisme, de nos politiciens allaient nous sortir de ce mauvais pas. Même si elle semblait peu fréquentable, les francophones ne bouderaient pas la N-VA. Avec une touchante naïveté, ils affirmaient même vouloir donner, eux aussi, le tempo ! Pas touche à Bruxelles, solidarité, refinancement, un zeste de régionalisation… Ils daignaient se mettre autour d’une table… mais autour d’un programme light. Patatras ! Sept semaines plus tard, c’est bien la N-VA qui nous mène par le bout du nez. Et Bart De Wever qui fait la pluie et le beau temps.

Pourtant, il se démène, Elio Di Rupo, il ne ménage pas sa peine pour ne pas se mettre hors jeu, élargissant même, jour après jour, un périmètre de plus en plus flottant. Jamais assez ! Bart De Wever, énigmatique, menace, exige, martèle, multiplie les pièges, joue au poker.

Exigences flamandes, concessions francophones, l’air est connu. Depuis le début des négociations, le raz de marée nationaliste semble paralyser toute tentative d’accommodements raisonnables. Ce mardi encore, on craignait le pire. Les discussions âpres autour de la loi de financement pouvaient entraîner le naufrage tant redouté. Miraculeusement, il n’en sera rien. Di Rupo a réussi, en effet, un spectaculaire redressement de dernière minute, permettant au frêle esquif qui regroupe les sept partis de la préformation de mettre le cap sur BHV, un autre dossier à haut risque.

Echec interdit ! Arrivés au milieu du gué, les négociateurs, tous mouillés désormais, sont condamnés à avancer. Avec un pays sur le fil du rasoir, le temps presse. Des discussions qui s’éternisent, et c’est, aussi, l’image de la N-VA qui en prend un coup. Mais face à la complexité et à la densité des défis, où se nichent les ajustements win-win tant espérés ?

Fausse pause, dramatisation, fuites, pressions maximales, le moment est bien hyper-délicat. Les ultras de la N-VA (le fameux groupe Stratego) se dévoileront-ils bientôt ? Veulent-ils un accord honorable pour tous ou, au contraire, multiplier encore les obstacles ? Jusqu’où, le désossement du fédéral ? Jusqu’où, le recul, à contrecoeur, des francophones enfin dégrisés ?

Money, money, le nerf de la guerre et la clé du destin du parti de M. De Wever. Chacun pour soi, le mouvement est en marche, impossible à endiguer. Un défi pour les francophones condamnés à résister et à trouver, à chaque fois, une nouvelle parade pour sauver ce qui peut l’être. Un duo-duel serré, aiguisé si ce n’est tranchant, dans lequel l’attaquant, à savoir la N-VA, a systématiquement l’avantage. Il n’empêche, plus les négociations avancent, plus le parti nationaliste doit, aussi, faire des compromis. Ce qui l’obligera, à terme, à s’engager davantage encore. Aujourd’hui, on imagine mal qu’il ne participe pas à un gouvernement chargé d’appliquer cette sixième réforme de l’Etat au coeur de ses revendications. Quant aux francophones, ils ont bel et bien perdu toutes leurs illusions. Déjà, le pays a profondément changé. Balayées, les réformettes proposées lors de la campagne électorale ! Pis, carrément et définitivement enterrées.

Christine Laurent

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