© Frédéric Pauwels

DSK : Milquet sidérée par le nationalisme et le machisme français

Présidente du CDH et vice-Première ministre, Joëlle Milquet dénonce les réactions aux relents machistes et nationalistes déclenchées par l’affaire DSK. Elle évoque également le plan anti-prostitution que vient de présenter son parti.

Sur votre blog, vous évoquez votre malaise à propos de l’affaire DSK. Notre société tolère encore trop les comportements déplacés à l’égard des femmes ?

Joëlle Milquet : Mais bien sûr ! Comme avocate, je respecte évidemment la présomption d’innocence. Mais je trouve que les réactions de la presse et du monde politique français sont hallucinantes. Les femmes de la gauche française – Martine Aubry, Ségolène Royal – pleurent toutes sur DSK. Les premiers jours, elles n’ont pas eu un mot pour la victime potentielle. Comme si elle était présumée affabulatrice. On n’a entendu personne dire : si c’était avéré, ce serait grave. Cela mérite une réflexion sur le rapport à la femme dans le monde des puissants – économique et politique. Et aussi sur le rapport à la femme dans le monde franco-latin.

Vous êtes choquée ?

Oui. Je suis aussi sidérée par le nationalisme français. Quand j’entends Jack Lang dire que la justice américaine a voulu se faire un Français. Non, mais on rêve ? Les Etats-Unis sont un pays démocratique, comme la France. Chacun a son système judiciaire. Ce débat sur la justice américaine, je trouve ça hallucinant, tout comme cette impression de justice de classe. La gauche française pleure parce que, quand on est à la tête du FMI, on devrait avoir droit à un traitement de faveur. Après tous ces discours sur l’égalité, on croit rêver.

Jean Quatremer, de Libération, a été le seul journaliste à évoquer le côté « trop pressant » de Dominique Strauss-Khan vis-à-vis des femmes. La presse aurait dû en parler ?

Je suis toujours très désireuse de préserver la vie privée. Mais quand les comportements deviennent pathologiques, ou tellement excessifs qu’ils posent un problème de crédibilité, peut-être qu’il faut l’écrire, oui. Avec toutes les précautions d’usage.

Le machisme est encore fort présent dans le monde politique belge ?

Si j’étais un homme, je ne suis pas sûre que tout se passerait de la même manière. Un négociateur ferme, c’est un homme fort. Une négociatrice ferme, c’est une dingue, une folle, ou une pasionaria.

Céline Fremault, cheffe de groupe du CDH au Parlement bruxellois, vient de présenter un plan anti-prostitution, qui n’exclut pas de pénaliser le client. C’est la position officielle du parti ?

La note a été approuvée par le bureau politique. Avec cette nuance : le projet n’est pas en tant que tel la pénalisation du client. Le plan propose toute une série de mesures préventives. Ce n’est qu’en dernier recours, si tout le reste a échoué, qu’il faudra peut-être envisager de pénaliser le client. La Suède l’a fait, et plein d’autres pays européens ont suivi. La femme n’est pas un objet, quoi.

Catherine François, assistante sociale, auteure du livre Sexe, prostitution et contes de fées et conseillère communale PS à Saint-Gilles, assimile ce plan au retour de la police des moeurs. « Les prostituées procurent un bien-être physique, comme les masseurs, les kinés ou les ostéopathes », a-t-elle déclaré à la RTBF.

Je ne comprends pas comment une femme peut dire ça. Ce n’est pas parce qu’on est dans l’ère de la marchandisation excessive qu’on doit se permettre n’importe quoi. Cela relève de l’intime des personnes.

Prostituée, ce n’est pas un métier comme les autres ?

Bien sûr que non. D’abord, ce n’est pas un métier en tant que tel. Nous voulons que ces femmes, qui sont souvent des sans-papiers, puissent vivre par d’autres moyens que l’exploitation, la maltraitance. Le plan de Céline Fremault propose des pistes. Mais elles ne sont pas à prendre ou à laisser. C’est à débattre.

ENTRETIEN : FRANÇOIS BRABANT ET PIERRE HAVAUX

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