Christine Laurent

Drôle de combat

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

AUX ÉCHECS, ÇA S’APPELLE LE COUP DU BERGER, rien moins qu’une attaque spectaculaire et inattendue censée déstabiliser l’adversaire.

L’annonce, mardi dernier, par le quatuor des partis francophones récemment rabibochés, de la naissance de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur les cendres de la Communauté française, avait sans doute pour ambition de terrasser les partis flamands. Mais le concept, lancé en 2008 par le duo Charles Picqué-Rudy Demotte (soutenu ensuite par Antoinette Spaak, Philippe Busquin et Richard Miller) et ripoliné pour l’occasion, a fait un grand flop. Raté ! Raté le coup du berger, mais réussi, le coup dans l’eau. Stupide, incohérent, inconstitutionnel, dénonçaient aussitôt de nombreux observateurs. Son seul mérite ? Avoir jeté une nouvelle couche d’huile sur le feu communautaire. De la nécessaire solidarité entre la Wallonie et Bruxelles, aucun francophone ne doute. Mais une chose est de frapper fort, une autre de viser juste.

Dans le chef des partis du Sud, il s’agissait, sans doute, de clouer le bec aux Flamands après l’interview jugée provocante de Kris Peeters, le week-end dernier, au sujet de l’attribution de nouvelles compétences à Bruxelles. Propos musclés, certes, mais qui n’avaient absolument rien de neuf, juste une vieille rengaine, et qui, on ne sait pour quelle mystérieuse raison, a mis le feu aux poudres. Et le PS, le MR, le CDH et Ecolo d’imaginer cette molle saillie avec effet de manche et caisse de résonance maximum dans les médias. Bof ! D’autant plus qu’elle ne fera pas avancer d’un pouce les négociations, bien au contraire. Surtout au moment même où l’informateur royal, Wouter Beke, déjà grillé, s’enlise dans les sables mouvants des jeux des partis, autant de combattants serrés dans leurs tranchées, prêts à tirer sur tout ce qui bouge. Résultat : l’escalade vient nourrir encore la spirale du soupçon à l’égard de l’autre. Incompatible avec l’indispensable sérénité qui devrait animer des responsables politiques appelés à réaliser une « Grande Réforme de l’Etat » à haut risque et sans mode d’emploi. Alors, ferrailler dans tous les sens, oui, et après ? Un mot chasse l’autre. Et le citoyen, impuissant, de boire la coupe amère de ce vide inquiétant, pour ne pas dire anxiogène.

On le sait tous, notre pays vit un blocage profond. Pas sûr, prétendent même les sceptiques, qu’il ait encore un avenir. Bien entendu, les francophones ne peuvent pas accepter de se faire rouler, et encore moins de courber l’échine sous les diktats du CD&V, scotché à la N-VA. Encore faut-il ne pas se tromper de combat. Mais où sont donc les idées originales, les propositions intelligentes, créatives dans cette course effrénée qui s’inscrit exclusivement dans une stratégie de communication ? Est-on encore dans un processus de négociations ou bien dans une logique préélectorale ?

« Echouer n’est pas une option », déclarait fièrement Beke au moment d’endosser son nouveau costume. Tant mieux, mais pour boucler un accord désormais, encore faut-il être au moins neuf autour de la table, avec des scuds sagement rangés au vestiaire. De même pour faire aboutir une réforme comme une scission, si divorce il devait y avoir. Le pire ? Le pourrissement. Avec la surenchère des petites phrases assassines et des provocations à l’emporte-pièce de ces derniers jours, sûr qu’on y va tout droit, tête baissée en prime.

CHRISTINE LAURENT

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