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Dotations aux partis politiques : les coulisses du malaise

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Jeudi soir, Namur se penchera sur la suppression de ses dotations octroyées aux partis politiques. La question furtive d’un conseiller communal indépendant brise cette omerta, révélatrice d’un malaise typiquement politicien.

En 2010, lorsqu’il était encore au Parti socialiste, on lui avait demandé de se taire. Mais ce jeudi 12 décembre, Pierre-Yves Dupuis, désormais conseiller communal indépendant à Namur, posera la question qui dérange à l’occasion des délibérations portant sur le budget 2014. Et si la Ville cessait d’allouer des subventions aux partis politiques composant le conseil communal ?

La démarche n’est en rien illégale. Mais l’opportunité de cette dépense politicienne est plus que jamais mise à mal en ces temps de morosité budgétaire. Les partis politiques namurois, copieusement servis par leurs fédérations, n’ont nullement besoin de fonds supplémentaires pour subvenir à leurs frais de fonctionnement. Résultat : la manne est essentiellement dédiée au financement des campagnes électorales.

210.000 euros d’économie sur une législature De quoi s’agit-il ? L’année dernière, la Ville a décidé d’octroyer 743,68 euros par conseiller communal – Namur en compte 47 -, afin de répartir adéquatement l’enveloppe des dotations. Le calcul est simple : si la Ville renonçait à verser ce bas de laine aux partis, elle économiserait près de 35.000 euros par an, soit 210.000 euros sur une législature.

Le 27 juin dernier, une erreur d’indexation a contraint la Ville de Namur à baisser de 31 euros le montant des jetons de présence octroyés aux conseillers. La cheffe de file du PS, Éliane Tillieux, avait proposé d’allouer le gain engrangé aux associations concernées par des coupes dans leurs subsides. Déjà, la question des dotations émerge par la voix isolée de Pierre-Yves Dupuis. Le bourgmestre, Maxime Prévot, utilise cet argument pour balayer la proposition formulée par l’opposition socialiste, estimant qu’il s’agit là d’une mesure plus pertinente. « La suppression de ces subventions constitueraient un geste plus percutant que la diminution symbolique des jetons de présence », maintient Pierre-Yves Dupuis. « Depuis le début de la crise, 90 % des communes ont renoncé au mécanisme des dotations aux partis. »

Malaise. D’un côté, les partis concernés (CDH, PS, MR, Écolo) ont tout intérêt à s’aligner sur cette proposition, pour s’inscrire pleinement dans la logique très tendance de « l’effort collectif ». Il en va de leur image de marque à quelques mois d’un triple scrutin électoral. De l’autre, aucune formation n’ose tenter le moindre cavalier seul, sous peine de voir disparaître sa propre manne électorale, à l’inverse des autres partis qui ne compteraient pas y renoncer.

Jeudi soir, l’interpellation à ce sujet du seul conseiller communal indépendant de l’assemblée brisera cette petite omerta politicienne. Avec, probablement, deux cas de figure. Un : après s’être concertés en interne, tous les partis estiment qu’il est préférable de pérenniser les dotations allouées par la Ville – dirigée par une tripartite CDH-MR-Écolo. C’est le choix du statu quo, quitte à assumer les critiques qui fuseront par la suite sur l’hypocrisie politique. Deux : un ou plusieurs partis se prononcent en faveur de la suppression des dotations. Il est dans ce cas probable que les autres formations s’y aligneront à contrecoeur, histoire d’éviter d’endosser le rôle du mauvais élève en matière d’économies et de (modestes) sacrifices.

Tout les ingrédients du jeu politique se retrouvent derrière ce débat : les coups de bluff, les coups de com’, les apparences face au ressenti. Et l’argent, évidemment.

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