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Donner des jours de congé à un collègue, bientôt possible ?

Le Vif

La possibilité, en Belgique, de léguer des jours de congé à un de ses collègues sera bientôt discutée à la Chambre. En quoi consiste cette proposition ?

Début mars, la Commission des affaires sociales de la Chambre se penchera sur deux propositions de loi visant à légaliser le don de congés en Belgique. L’une a été déposée ce lundi par le CDH. L’autre a été introduite en décembre, à l’initiative de membres du MR parmi lesquels Sybille de Coster-Bauchau, Olivier Chastel et Denis Ducarme.

Les deux propositions prennent leur inspiration en France. Chez nos voisins existe la loi Mathys, du nom d’un petit garçon atteint d’une leucémie, dont le père avait pu bénéficier d’un don de 170 jours de congé de la part de ses collègues pour rester à ses côtés jusqu’à sa mort. A l’époque, suite à l’élan de solidarité, Badoit, l’entreprise pour laquelle le papa travaillait avait agi en dehors de tout cadre légal. La loi a été passée par la suite pour être généralisée à tous les salariés français. En Belgique, il n’est pas encore légalement permis de faire don de ses jours de congé à un collègue dont la situation familiale le demanderait

Si la loi passe, et il y a de fortes chances vu que l’un des textes est porté par la majorité, elle sera toutefois limitée à des cas bien précis. « Ma proposition limite à quatre cas les possibilités de céder des congés, explique Vanessa Matz qui porte la démarche pour le CDH, dans le journal Le Soir. « La charge d’un enfant de moins de 21 ans atteint d’une affection qui rend indispensable une présence soutenue et des soins contraignants ; le décès d’un conjoint ou cohabitant légal ; le décès d’un enfant mineur ou les soins à un enfant de plus de 21 ans, un conjoint ou un ascendant en soins palliatifs. »

Le MR, de son côté, désire tout comme en France, limité la possibilité à un seul cas de figure: un enfant de moins de 21 ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident grave.

Don anonyme

D’autres dispositifs existent pourtant déjà dans le cas d’un parent malade, comme le crédit-temps ou le congé parental. Mais pour Vanessa Matz, ces «  formules ne suffisent pas « . « Elles entraînent, en outre, une perte sensible de la rémunération et sont à charge de la sécurité sociale. Dans la proposition que je dépose, le don de congés ne coûte rien à personne, ni à la collectivité, ni à la Sécurité sociale« , explique-t-elle dans les colonnes du Soir. De plus, elle avance que « tout le monde ne peut pas se permettre de prendre un congé sans solde, et cela fait courir à la personne le risque de perdre son emploi.  »

Autre point important de la mesure : l’anonymat du travailleur qui déciderait de donner ses congés. L’entreprise sera ainsi responsable de préserver la discrétion sur l’identité des donneurs.

De plus, le donneur ne pourrait céder ses jours de congé qu’à concurrence de ce qui excède la période de vingt jours ouvrables à laquelle il a droit au minimum. Le salarié devra donc se réserver 20 jours de congé par an avant de les léguer pour le MR. Dans la proposition du CDH, tous les dons sont permis au-delà de cette limite.

Dans ce cas, les patrons invitent à la prudence. Pieter Timmemans, l’administrateur-délégué de la Fédération des entreprises de Belgique, met en garde contre les possibles conséquences : «  Il faut un certain nombre de jours de travail pour pouvoir avoir droit à certaines allocations. Une personne qui se verrait donner un grand nombre de congés pourrait donc être affectée. La solidarité, c’est bien, mais il faut bien mesurer toutes les conséquences. » Le ministre de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V), a indiqué au Soir qu’il soutenait « à 100% » le principe. Ce dernier avait d’ailleurs lancé en octobre la possibilité pour les travailleurs d’ « épargner des jours de congé ».

Les syndicats contre

Les syndicats, pour leur part, sont moins beaucoup moins enthousiastes face à la proposition et se disent même totalement contre.

«  La Sécurité sociale permet déjà d’octroyer une absence de quatre ans et deux mois à une personne dont un proche tomberait malade « , dit Jean-Benoît Maisin, du service d’étude de la CSC. « Il y a les congés thématiques (un mois, renouvelable), puis, si cela ne suffit pas, il y a le crédit-temps. En Belgique, on n’est donc pas démuni. Il y a un côté émotionnel et affectif, façon « Plus belle la vie », dans ces propositions. Mais pour nous, un système avec une allocation payée par la Sécurité sociale et avec une assimilation de ces périodes pour la pension est préférable. Nous préférons un système collectif plutôt qu’une initiative au sein de l’entreprise », a-t-il réagi sur le site du Soir.

Le secrétaire général de la FGTB, Marc Goblet, n’est pas favorable non plus aux propositions aujourd’hui déposées. « Donner des jours de congé ne va pas régler la situation de tous : car le nombre de congés n’est pas extensible à l’infini. Il n’appartient pas aux travailleurs de régler un problème de société. C’est le rôle de la Sécurité sociale d’intervenir. Il faut donc que l’Inami puisse prendre en charge ces parents et leur donner un revenu suffisant. Je ne vois pas pourquoi les travailleurs, individuellement, devraient faire le choix de donner leurs congés ».

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