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Doit-on faire disparaître les statues coloniales ?

Muriel Lefevre

La représentation glorieuse de l’époque coloniale fait grincer de plus en plus de dents. Au point que des voix s’élèvent pour les faire disparaître de l’espace public. Va-t-on enlever ces statues d’une autre époque de leur socle se demande De Morgen.

Le Musée de l’Afrique à Tervuren reçoit de plus en plus de demandes de communes qui lui demandent que faire avec les statues qui datent de l’époque coloniale. Celle-ci sont régulièrement vandalisées dit Idesbald Goddeeris, professeur d’histoire coloniale à la KU Leuven dans De Morgen. Il n’est pas rare non plus que ces mêmes communes demandent au Musée de venir les chercher. Mais elles sont aussi nombreuses à demander de quelle façon celles-ci doivent être replacées dans leur contexte. En l’accompagnant d’un texte explicatif par exemple. Mais ce petit texte peut être un véritable casse-tête, dit Guido Gryseels, le directeur du musée dans les colonnes du quotidien flamand. « En effet, comment expliquer ces abus sur une plaque succincte à côté d’une statue clairement coloniale ? »

Il va cependant falloir se pencher sur la question, car la demande d’y « faire quelque chose » prend chaque jour un peu plus d’ampleur.

Par exemple, à Gand on a accroché autour d’un buste de Léopold II une pancarte indiquant que « la ville regrettait les nombreuses victimes du temps de l’État indépendant du Congo. » Celle-ci a été placée à la demande de certains habitants. A Geraardsbergen aussi, la rénovation d’un monument colonial a prêté à controverse et il a lui aussi hérité d’une nouvelle plaque explicative. La statue de Léopold II à Ostende a aussi été vandalisée.

Pour Goddeeris la solution est beaucoup plus simple. Ces statues devraient être remisées au musée. « Les panneaux explicatifs sont souvent trop nuancés et prêtent à confusion. C’est de la propagande passéiste qui reste présente dans les rues. Or, c’est de cette façon qu’on approuve le récit colonial et qu’on le considère comme allant de soi, dit-elle toujours dans De Morgen. Un avis partagé par l’écrivain aux origines rwandaises, Dalilla Hermans. « Il existe un manque d’indignation évidant dans la population, et celle-ci est due en grosse partie à une connaissance très limitée des actes criminels qui ont eu lieu sous Léopold II. Ce qui n’est pas le cas dans la communauté africaine où il existe, via les réseaux sociaux, des actions ‘Decolonize Belgium’. »

Gryseels pour sa part tempère. Déplacer toutes ces statues dans un musée n’est pas une solution. Déjà, il n’y a pas la place, ensuite elle ne rentre pas dans le cadre du nouveau Musée de l’Afrique dont la réouverture est prévue pour mi-2018. « C’est la première fois qu’un ancien musée colonial sera aussi critique. Dans les autres pays, ce genre de musées est soit neutre, soit n’existe plus. Nous voulons être un modèle en ce qui concerne le traitement de l’histoire coloniale. »

Si la Belgique semble à la traîne sur le sujet par rapport à ses voisins, ce serait dû, selon Goddeeris dans De Morgen, à une faible migration congolaise vers la Belgique. « En 1990, on ne comptait que 20.000 Congolais, même s’ils sont plus aujourd’hui », mais la crise identitaire belge serait également en cause. « Les gens à gauche en Belgique sont moins critiques, car ils n’ont pas envie de critiquer la Belgique elle-même. »

Certains politiques ont déjà soulevé le sujet. Mais la question des statues reste extrêmement locale, puisque ce genre de décision est pris au niveau communal.

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