© Belga

Doel 1 et 2 repartis pour 10 ans

Le gouvernement fédéral a confirmé jeudi la prolongation pour dix ans des unités nucléaires de Doel 1 et Doel 2.

Le Conseil des ministres a examiné jeudi la situation du marché énergétique en Belgique, chargeant la ministre de l’Energie Marie-Christine Marghem de déposer un avant-projet de loi. Ce texte devra notamment prévoir les modalités de prolongation pour dix ans des unités de Doel 1 et Doel 2 conformément à l’accord de gouvernement. La durée d’exploitation de ces réacteurs ne dépassera pas 2025 et la prolongation est sujette à l’accord préalable des autorités de contrôle.

Le gouvernement a rappelé jeudi une série de constats portant sur la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Il s’agit notamment des grandes incertitudes liées au redémarrage des unités de Doel 3 et Tihange 2, de la fermeture programmée de centrales thermiques à partir de 2015, de l’incapacité d’intégrer à court terme des capacité de production étrangères au réseau belge.

Fort de ce constat, et outre la prolongation de deux réacteurs, le gouvernement entend encourager l’exploitant de Doel 1 et Doel 2 (Electrabel) à examiner les possibilités d’investissements de « tiers » dans la détention et la mise aux normes des deux unités.

Au-delà, il est question de demander à Elia de poursuivre ses efforts pour développer la capacité d’interconnexion, de transposer la directive efficacité énergétique, de créer un fonds pour la recherche et de demander à la CREG (Commission de régulation de l’électricité et du gaz) des recommandations en vue d’éviter la mise hors service d’unités de production conventionnelles (gaz, cogénération).

« Mauvais signal »

Dans l’opposition, le PS et Ecolo ont condamné la prolongation de Doel 1 et Doel 2, une mesure qui pose selon eux des problèmes en termes de sécurité, de sécurité d’approvisionnement et de facture pour les consommateurs.

La députée Karine Lalieux (PS) s’est étonnée du revirement du MR, du CD&V et de l’Open Vld qui avaient approuvé la fermeture des deux unités en 2015 dans le gouvernement Di Rupo.

Kristof Calvo et Jean-Marc Nollet (Ecolo-Groen) ont dénoncé un mauvais signal supplémentaire après la décision du gouvernement Di Rupo de prolonger Tihange 1.

Encore tout une série d’étapes à franchir

Toute une série d’étapes doivent encore être franchies avant que les réacteurs puissent effectivement continuer à tourner jusqu’en 2025, a indiqué jeudi l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN).

Tout d’abord, la loi doit encore être adaptée. Pour l’instant, la loi fixe toujours la fermeture de Doel 1 au 15 février et celle de Doel 2 à décembre 2015.

De plus, la prolongation des réacteurs doit encore recevoir le feu vert de l’AFCN. Pour ce faire, Electrabel, l’exploitant des centrales nucléaires, doit élaborer un plan d’action à long terme.

Il faudra par exemple étudier quels investissements sont nécessaires afin de garantir la sécurité des réacteurs, a expliqué la porte-parole de l’Agence, Nele Scheerlinck. Une révision décennale de la sécurité des réacteurs devra être programmée en 2015, et Electrabel devra prendre des mesures afin de mieux protéger les réacteurs en cas de conditions extrêmes. Celles-ci avaient été établies après les stress tests effectués sur les réacteurs nucléaires européens à la suite de la catastrophe de Fukushima, mais Electrabel avait reçu une dérogation pour Doel 1 et 2, car elles devaient fermer leurs portes en 2015.

Enfin, Electrabel devra également démontrer qu’il y a encore suffisamment de personnel qualifié pour garder les centrales plus longtemps ouvertes.

« Le gouvernement belge esclave d’Electrabel »

Greenpeace a pour sa part estimé dans un communiqué que le gouvernement belge était esclave d’Electrabel. Cela « prouve une fois de plus que nos dirigeants ne veulent pas sortir du nucléaire », selon l’organisation.

« La décision de la ministre Marghem confirme que l’approvisionnement énergétique en Belgique est dicté par une entreprise privée française, uniquement intéressée par le profit », a commenté Jan Vande Putte de Greenpeace. « Une lamentable décision, prise sous la pression d’Electrabel. Qui plus est, cette décision a été actée avant même qu’une évaluation technique des réacteurs fissurés de Doel 3 et Tihange 2 n’ait eu lieu. Ce qui est contradictoire avec l’accord de gouvernement », conclut Jan Vande Putte. « Notre approvisionnement énergétique sera donc encore incertain pour dix ans supplémentaires puisqu’il restera dépendant de vieilles centrales nucléaires qui ont fait leur temps. »

Des centaines de millions d’euros à investir

Electrabel devra investir des « centaines de millions d’euros » afin de prolonger pour dix ans les unités nucléaires de Doel 1 et Doel 2. « Nous pourrons le faire à la seule condition que le cadre économique et juridique soit stable », a indiqué la porte-parole d’Electrabel, Anne-Sophie Hugé. Lors des négociations d’un tel cadre avec le gouvernement, la rente nucléaire devra également être abordée. « Nous prenons acte de la décision du gouvernement, et nous restons à la disposition du ministre pour parler du cadre de la prolongation », a-t-elle ajouté.

« Nous savons que c’est techniquement faisable de prolonger de dix ans les deux réacteurs », a expliqué la porte-parole. Mais d’importants investissements sont nécessaires. « Pour Tihange 1 (dont la durée de vie a déjà été prolongée auparavant), l’investissement s’est élevé à 600 millions d’euros. On ne peut néanmoins pas copier ce montant, mais il est dans tous les cas question de centaines millions d’euros. »

Electrabel demande pour ces investissements « un cadre économique et juridique stable ». Des discussions seront dès lors menées avec la ministre de l’Energie Marie-Christine Marghem. Lors de ces entrevues, le sujet de la rente nucléaire sera également mis sur la table, a assuré Anne-Sophie Hugé.

Tant qu’il n’y a pas de nouvelle loi, la fermeture de Doel 1 est toujours programmée au 15 février. Les chances de voir le réacteur redémarrer en 2015 semblent minces. Tant qu’aucun cadre légal n’est convenu par le gouvernement, Electrabel ne commandera pas de combustible. Cela peut ensuite durer au moins douze mois avant qu’il ne soit disponible.

La sécurité nucléaire belge jugée « robuste » par l’IAEA

Par ailleurs, une équipe d’experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA) a testé les systèmes de sécurité des installations nucléaires de Belgique et les a déclarés « robustes ». Quelques suggestions et recommandations ont néanmoins été faites aux autorités et aux gestionnaires, a-t-on appris jeudi.

Les contrôles ont eu lieu entre le 24 novembre et le 5 décembre par une équipe de l’IPPAS (International Physical Protection Advisory Service) à la demande du gouvernement belge. L’équipe a enquêté sur la centrale nucléaire de Tihange, le centre d’études de l’énergie nucléaire (SCK-CEN) et sur une entreprise de transport nucléaire. Un exercice « prise d’otages » a également été mené à la centrale de Doel en collaboration avec l’Agence fédérale du contrôle nucléaire (AFCN).

De nombreuses « bonnes pratiques » ont été remarquées mais des recommandations et suggestions ont tout de même été faites, celles-ci resteront confidentielles. « Le rapport et les résultats sont ‘secrets’ puisqu’il s’agit de sécurité, de lutte contre le terrorisme, etc. », explique une porte-parole de l’AFCN. « L’Agence va désormais analyser ces recommandations et proposer si nécessaire d’éventuelles adaptations de la législation au gouvernement. Au niveau des gestionnaires, si des changements ont été conseillés, nous nous assurerons qu’ils ont bien été réalisés. »

Jan Bens, le directeur de l’AFCN, a déclaré que les recommandations représentaient une « aide précieuse » pour améliorer les systèmes de sécurité des installations nucléaires en Belgique.

« Inutile, risquée et coûteuse » (Test-Achats)

Test-Achats a estimé que la décision prise jeudi par le gouvernement fédéral de prolonger de dix ans les centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 était « inutile, risquée et coûteuse ». Elle prouve de plus « le manque de vision à long terme et de réelles solutions », explique l’organisation de défense des consommateurs dans un communiqué.

Une décision inutile, selon Test-Achats, car « la Belgique a une capacité d’importation de plus de 3.500 MW via la France et les Pays-Bas, qui devrait être suffisante, alors que Doel 1 et 2 ont une puissance cumulée de moins de 1.000 MW ». La prolongation s’avère également risquée, d’après l’organisation. « Doel 4 a montré combien il était apparemment facile de saboter un réacteur, et les coupables ne sont toujours pas identifiés. » Enfin, Test-Achats évoque le coût de l’action. « La prolongation de Tihange 1 aurait en effet coûté 600 millions d’euros. Electrabel a déjà prévenu qu’en cas de prolongation, celle-ci serait coûteuse. » L’organisation de défense des consommateurs exprime encore sa crainte de voir Electrabel « dicter sa loi » et dès lors le consommateur « financer cette prolongation pendant très longtemps via sa facture d’énergie », l’opérateur attendant « une contrepartie de l’Etat, sous forme d’une vision à long terme et… d’un dédommagement pour les investissements consentis ». Test-Achats estime que la prolongation du nucléaire constitue un « frein évident à tout autre investissement visant à la mise en place d’une combinaison de production basée sur le renouvelable et le gaz (…). Ceci est pourtant prescrit par l’Europe et nécessite une vision à long terme et une transition coûteuse mais inévitable. »

Contenu partenaire