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Docteur Lemey: « C’est un jeu un peu criminel d’accueillir autant d’étudiants »

Voici un chiffre qui fait réfléchir: 1632. C’est le nombre d’étudiants en médecine qui pourraient, au terme de leur formation, ne pas disposer d’un numéro INAMI à l’horizon 2017. Autrement dit, le nombre de futurs médecins qui pourraient bien ne jamais pouvoir exercer.

C’est le journal Le Soir qui révèle l’information. Ce chiffre émane d’un rapport du SPF Santé Publique, que la rédaction du quotidien a pu consulter. Au terme de leur formation, des médecins pourraient bien rester sur le carreau. Si le nombre de numéros INAMI, indispensables à la pratique de la médecine, reste en l’état, ces 1632 docteurs devraient se réorienter vers des postes administratifs ou de médecin-conseil. Ils pourraient également venir gonfler le contingent des chômeurs.

Un déséquilibre entre les régions

Ce problème concerne surtout la Fédération Wallonie Bruxelles, qui devrait former 1072 médecins de trop. A l’horizon 2017, la Flandre devrait diplômer 3341 médecins, pour 2829 numéros INAMI accordés par l’État belge. Soit un excédent de 512 médecins.
En Fédération Wallonie Bruxelles, les chiffres sont plus alarmants. Vu le nombre de numéros INAMI attribués pour le sud du pays, 1120 futurs médecins pourraient se retrouver sans boulot à l’horizon 2017.
Une des causes de ce déséquilibre réside dans l’accès aux études. En Flandre un examen limite le nombre d’entrées. Du côté de la Fédération Wallonie Bruxelles, après diverses formules, l’accès est libre à l’heure actuelle. Environ 3000 jeunes sont sur les bancs de première année des universités de médecine pour le moment. Seuls 15% d’entre eux auront un numéro INAMI. «  La Flandre a respecté des impératifs de sélections qui permettent aux jeunes diplômés d’avoir accès à un numéro INAMI. La Communauté française de son côté a sabordé le numérus clausus. Les universités francophones accueillent trop d’étudiants et c’est un jeu un peu criminel « , dénonce le docteur Roland Lemye, président de l’Absym, le principal syndicat des médecins et partisan d’une épreuve de sélection. « Cette arrivée massive de médecins va être mal perçue en Flandre. Ils ont été loyaux aux impératifs de sélections, la Fédération Wallonie Bruxelles, pas. »

Une année avec 2160 numéros disponibles

Les étudiants qui ont commencé la médecine en 2012-2013 sont entrés dans un nouveau système. Leurs études ne dureront plus que six ans. Ils termineront donc en même temps que leurs aînés d’un an, qui sont encore dans le système à sept ans.
Pour pallier cette arrivée massive de médecins, 2160 numéros ont été débloqués pour cette promotion. Soit le double. Mais pour ces étudiants, un autre problème se pose, car le nombre de places en stage n’a, pour le moment, pas bougé. Le milieu hospitalier peine de plus en plus à absorber tous les futurs médecins stagiaires. Au point que les durées de stages sont sans cesse rabotées.

Un manque de cohérence

Paradoxalement, certains secteurs souffrent d’un manque de médecins. C’est notamment le cas de la médecine générale. «  La plupart des jeunes diplômés s’orientent vers des spécialités. Et le nombre de généralistes, surtout en zone rurale, diminue. Il faudrait augmenter les primes d’attractivités, déjà mises en place, pour compenser cela « , préconise le Docteur Lemye.

Mais, selon Absym, cette pénurie et ces difficultés de renouvellement vont être rapidement compensées. « Il ne faut pas oublier qu’en 2018, deux promotions de médecins vont sortir en même temps. Je pense que cela compensera le fait que certains médecins, surtout en campagne, commencent à être vieillissants« , estime le docteur Lemye.

Un constat que ne partage pas la FEF, la fédération des étudiants. « Ce manque de médecin existe. Et pas qu’au niveau des généralistes. Certaines spécialisations sont touchées, il faudrait donc augmenter le contingent de numéro INAMI. L’enjeu n’est pas que bureaucratique, derrière cela se trouve un enjeu humain. Il faut réfléchir de manière sociétale« , explique Corinne Martin, la présidente.

Le nombre de numéros INAMI est déterminé par le Fédéral et le cabinet de Laurette Onkelinx. L’accès aux études est déterminé par la Fédération Wallonie Bruxelles et le cabinet Marcourt. Absym et FEF sont d’accord sur un point : cela manque de cohérence. On ne peut pas ouvrir les vannes à l’entrée pour les fermer à la sortie. Par contre, la solution qu’ils proposent respectivement est opposée. Pour l’Absym, une sélection des étudiants au départ doit être mise en place. La FEF ne voit pas les choses de cette façon. «  Nous sommes contre toute forme de sélection à l’entrée. Pour nous, il faut agrandir le contingent de numéros INAMI. Nous ne comprenons pas les réticences politiques à agrandir le nombre de numéros attribués. La société a besoin de médecins, et il faut mettre les moyens adéquats dans leur formation. »

Entre pénuries, manque de numéros INAMI et auditoires surpeuplés, les étudiants en médecine sont dans le flou, en attente d’une ligne de conduite et de décisions politiques claires.

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