Gérald Papy

Djihadistes : de Bruxelles à Mossoul, le même combat

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Entre l’attaque meurtrière au Musée juif de Belgique, le 24 mai, et la conquête par des islamistes de la deuxième ville d’Irak, Mossoul, le 10 juin, quel rapport ? Un nom, une « marque », une sinistre promesse : l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

C’est dans les rangs de ce groupe islamiste extrémiste que le tueur présumé de Bruxelles, Mehdi Nemmouche, aurait fait ses armes de djihadiste en Syrie. C’est sous sa bannière que des milliers de « fous de Dieu » se sont emparés de plusieurs villes d’Irak, dont la deuxième en importance, Mossoul, vidée depuis de ses derniers habitants chrétiens. Entre le tueur robotisé de la rue des Minimes et les exécuteurs de 1 700 soldats chiites présumés, complaisamment filmés en territoire irakien conquis, une même soif d’hyperviolence, un même mépris pour la vie quand survient l’Autre, le juif, le musulman chiite, le chrétien…

C’est pour cette raison que le naufrage de l’Irak nous concerne aussi. L’Europe ne sera plus jamais un pôle de prospérité si elle laisse grandir à ses portes des foyers d’instabilité et des viviers d’ennemis de la démocratie.

L’ancienne Mésopotamie est, par excellence, le pays de la rencontre entre les deux branches principales de l’islam. Y cohabitent une majorité chiite et une forte minorité sunnite. C’est dire la gravité de l’affrontement qui s’y déroule entre les extrémistes de l’EIIL et les dirigeants de Bagdad : le spectre d’une grande confrontation entre sunnites et chiites, « plus grave que le conflit israélo-palestinien », selon le géopolitologue Frédéric Encel.

Rien n’indique cependant que l’ambition des djihadistes soit véritablement de voir le drapeau noir de l’EIIL flotter sur la présidence irakienne à Bagdad et dominer un pays devenu ingérable par la faute, aussi, du sectarisme de son Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki. Etablir un djihadistan sur l’ouest de la Syrie et l’est de l’Irak est un objectif à la fois plus abordable et plus efficient. Il n’en bouleverserait pas moins l’équilibre régional en provoquant de facto la partition de l’Irak et en accroissant le péril islamiste sur les autres Etats de la région.

Même ce scénario est improbable. Car ni les Etats-Unis, ni les Russes, ni les Iraniens n’y trouveraient leur intérêt. En attendant, le délitement de l’Etat irakien provoque une redistribution des cartes diplomatiques aux conséquences encore incertaines. Ainsi, les Américains, qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec eux depuis 1981, sont prêts à coopérer avec les Iraniens pour venir en aide au régime irakien à dominante chiite et combattre les islamistes sunnites alors même qu’en Syrie, ils luttent contre un gouvernement dirigé par la minorité alaouite (issue du chiisme), soutenu par Téhéran, et appuient une rébellion sunnite, qui compte dans ses rangs le groupe islamiste dont ils s’apprêtent à stopper l’offensive en Irak… Orient compliqué ? La formule est faible.

Au moment d’évaluer sa politique étrangère, Barack Obama bénéficiait jusqu’à présent d’une certaine bienveillance. Somme toute, la crise économico-financière justifiait la priorité donnée aux dossiers intérieurs et l’héritage international de son prédécesseur George W. Bush était tellement lourd, en Afghanistan et en Irak, que le solder apparaissait déjà comme un succès. Avec le chaos actuel en Irak, c’est du vrai bilan de Barack Obama qu’il est question. Un Irak en voie de démantèlement et un Moyen-Orient soumis à des tensions religieuses exacerbées scelleraient assurément l’échec de sa seconde présidence.

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